L'économie canadienne a créé une quantité de nouveaux emplois le mois dernier, a maintenu une croissance solide des salaires et a vu plus de gens chercher du travail - des éléments considérés comme positifs par les experts qui croient que la banque centrale pourrait augmenter les taux d'intérêt dès la semaine prochaine.

L'économie a ajouté 31 800 postes en juin et le taux de chômage est passé à 6 %, comparativement à 5,8 % en mai, a indiqué vendredi Statistique Canada dans sa dernière enquête sur la population active.

De nombreux analystes considèrent la hausse du taux de chômage comme un signe encourageant, car l'afflux de près de 76 000 chercheurs d'emploi sur le marché le mois dernier suggère que plus de gens ont bon espoir de trouver du travail.

La publication de ce rapport sur le marché du travail, qui contenait aussi des points de données plus faibles, survient moins d'une semaine avant la prochaine décision de la Banque du Canada sur les taux d'intérêt, mercredi prochain.

Même avant la divulgation des chiffres, les économistes s'attendaient déjà à ce que le gouverneur Stephen Poloz hausse son taux d'intérêt directeur pour la première fois depuis janvier. Le taux cible du financement à un jour de la banque centrale est actuellement de 1,25 %.

Pour beaucoup, les chiffres sur l'emploi viennent renforcer ces prédictions.

«Ce rapport était plus que suffisant pour sceller le sort d'une hausse des taux en juillet à la Banque du Canada», a observé Frances Donald, économiste principale chez Gestion d'actifs Manuvie.

Mme Donald a souligné la vigueur de certains indicateurs clés, notamment un taux de participation plus élevé et des gains salariaux encore solides.

La croissance moyenne des salaires horaires, qui est surveillée de près par la Banque du Canada lorsqu'elle prépare ses décisions sur les taux d'intérêt, est demeurée ferme le mois dernier à 3,6 %. Elle a cependant diminué par rapport à son sommet de neuf ans en mai, soit 3,9 %.

Les prévisions voulant que M. Poloz s'apprête à augmenter les taux d'intérêt, ce qui incitera vraisemblablement les grandes banques canadiennes à hausser leurs taux préférentiels, tiennent bon même si l'économie est confrontée à une importante incertitude.

Parmi les inconnues se trouvent notamment le conflit commercial du Canada avec les États-Unis et la difficile renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). En outre, plusieurs craignent les perturbations mondiales qui pourraient surgir de l'escalade de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine.

Mme Donald croit que M. Poloz ne sera pas refroidi par les incertitudes commerciales, car il a déjà fait savoir qu'elles restaient largement hypothétiques à ce stade.

Certaines faiblesses observées

Le rapport sur les emplois de vendredi a montré que, par rapport au même mois il y a un an, l'emploi était en hausse de 1,2 % en juin grâce à la création de 214 900 emplois. Cette augmentation est attribuable à l'apparition de 284 100 nouveaux postes à temps plein.

Mais un examen plus attentif des chiffres de juin révèle certaines faiblesses.

Le Canada a ajouté 9100 emplois à temps plein en juin et 22 700 emplois à temps partiel, tandis que le travail dans la catégorie du travail autonome a augmenté de 22 000 emplois.

Le secteur public a gagné 11 800 emplois et le secteur privé en a perdu 2000.

Matthieu Arseneau, économiste en chef adjoint de la Banque Nationale, a noté que depuis le début de 2018, l'emploi total a enregistré une baisse de 48 000 emplois dans le secteur privé.

«Il reste à voir si un rebond dans le secteur privé se produira, compte tenu des incertitudes commerciales croissantes», a écrit M. Arseneau dans une note de recherche.

Par secteur, les chiffres montrent que les industries productrices de biens ont créé 46 600 emplois en juin grâce à des gains dans la construction, les ressources naturelles et la fabrication.

Les secteurs des services, quant à eux, ont perdu 14 700 emplois, principalement en raison d'importantes diminutions dans les services d'hébergement et de restauration ainsi que dans le commerce de gros et le commerce.

L'Ontario a enregistré un gain net de 34 900 emplois, en hausse de 0,5 % par rapport au mois précédent, tandis que la Saskatchewan a affiché sa plus forte hausse mensuelle en plus de six ans avec la création de 8300 emplois, ce qui représente une croissance de 1,5 %.

Le taux de chômage chez les jeunes a augmenté à 11,7 % le mois dernier, contre 11,1 % en mai.

Déficit commercial élargi

Dans un rapport distinct publié vendredi, Statistique Canada a indiqué que le déficit commercial du pays avec le monde s'était élargi en mai à près de 2,8 milliards $. Le déficit du commerce international était d'environ 1,9 milliard $ en avril et de 3,9 milliards $ en mars.

Les chiffres de mai montrent que les importations ont augmenté de 1,7 %, tandis que les exportations ont diminué de 0,1 %.

L'augmentation des importations d'aéronefs, d'autres équipements de transport et de produits énergétiques a alimenté la plus grande partie de l'augmentation. La valeur des importations d'avions a plus que triplé pour atteindre 937 millions $ en raison de l'achat de plusieurs avions de ligne en provenance des États-Unis.

Les exportations ont diminué principalement en raison du ralentissement du secteur des véhicules automobiles et de leurs pièces ainsi que de celui des minerais et des minéraux non métalliques.

Le rapport montre que l'excédent commercial du Canada avec les États-Unis s'est rétréci à 3,3 milliards $ en mai, contre 3,7 milliards $ en avril, en raison d'une hausse des importations américaines et d'une baisse des exportations canadiennes.

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Le marché canadien de l'emploi en juin en quelques chiffres:

Taux de chômage - 6,0 %

Taux d'emploi - 61,5 %

Taux d'activité - 65,5 %

Taux de chômage chez les 15 à 24 ans - 11,7 %

Taux de chômage chez les hommes de 25 ans et plus - 5,2 %

Taux de chômage chez les femmes de 25 ans et plus - 5,0 %

Remontée du chômage aux États-Unis

Le taux de chômage aux États-Unis est remonté en juin à 4% mais les créations d'emplois se sont montrées solides avec une hausse des salaires toujours contenue alors que les marchés s'interrogent sur la politique monétaire de la Fed.

De 3,8% en mai, le taux de chômage a grimpé à 4% en juin, selon les chiffres du ministère du Travail publiés vendredi.

Mais les créations d'emplois ont été plus fortes que prévu, à 213 000, alors que les analystes tablaient sur 195 000. Ce chiffre a aussi été révisé à la hausse pour mai à 244 000, contre 223 000 initialement estimé.

Le salaire horaire moyen, particulièrement surveillé alors que la Fed veut juguler toute accélération de l'inflation, a progressé de seulement 0,2%, à 26,98 dollars, portant l'augmentation sur un an à 2,7%. Sur le mois, la hausse est inférieure aux anticipations des analystes, qui tablaient sur 0,3%, comme en mai.

Le nombre de chômeurs a augmenté de 499 000 personnes en juin, à 6,6 millions, mais a reculé de 400 000 personnes sur un an, lorsque le taux de chômage atteignait 4,3%.

«Les chiffres ne montrent pas encore d'impact de la guerre commerciale», ont souligné par ailleurs les analystes de Pantheon Economics dans une note. L'administration Trump a déclenché une guerre des taxes douanières avec ses principaux partenaires, notamment la Chine, qui fait craindre aux entreprises un renchérissement des coûts de production et une baisse de leurs exportations.

Ces analystes soulignent que l'emploi dans le secteur manufacturier, le plus exposé à ces tensions, a augmenté de 36 000 personnes, soit le meilleur chiffre depuis décembre.

Selon eux, la hausse du taux de chômage provient essentiellement de la forte hausse de la population active (+601.000 personnes) alors que le taux de participation n'a, lui, que faiblement progressé de 0,2 point de pourcentage, à 62,9%.

La hausse des salaires est, toujours selon Pantheon Economics, «douloureusement lente» ce qui «renforce notre opinion que la Fed ne va pas changer matériellement d'ici décembre sa perception du marché du travail et par conséquent des risques d'inflation».

La banque centrale américaine a déjà remonté deux fois cette année, dont la dernière lors de sa réunion de la mi-juin, son taux directeur, qui évolue désormais dans une fourchette comprise entre 1,75% et 2%. Les marchés anticipent deux autres hausses d'ici décembre alors que cinq réunions sont encore au calendrier.

Hausses de taux

«Les chiffres restent assez solides pour que la Fed continue de resserrer sa politique monétaire, même avec la progression plus faible du salaire horaire annoncée aujourd'hui» vendredi, estime Jim O'Sullivan, chef-économiste pour les États-Unis chez High Frequency Economics.

Pour ses collègues de RDQ Economics, «l'économie est forte si on la juge en termes de créations d'emplois (...) et nous nous attendons à ce que le taux de chômage recule dans la deuxième partie de l'année. Les chiffres (de juin) ne changent pas notre opinion que la Fed va encore relever ses taux deux fois d'ici la fin de l'année, dont la prochaine fois en septembre, après avoir pris connaissance de deux autres rapports sur l'emploi».

Si les hausses de taux ont pour premier objet de juguler toute accélération de l'inflation, elles ont aussi pour conséquence de ralentir le rythme de croissance de l'économie alors que l'administration Trump souhaite voir celui-ci s'établir durablement au-dessus de 3%.

Sur un an, la hausse des prix s'est établie en juin à 2,8% et de nouveaux chiffres vont être publiés jeudi prochain pour le mois de juillet. Elle semble donc s'établir au-dessus de l'objectif de 2% que s'est fixé la Fed, qui s'appuie toutefois sur une autre référence, l'indice des prix basé sur les dépenses de consommation (PCE), dont la hausse sur un an s'est établie en mai à 2,3%.

Ce débat sur la hausse des taux pourrait opposer assez rapidement la Fed et la Maison-Blanche. Larry Kudlow, le principal conseiller économique de Donald Trump, a ainsi déclaré la semaine dernière qu'il espérait voir la Fed remonter ses taux «très lentement».

«Mon espoir est que la Fed et sa nouvelle direction comprennent que le fait que davantage de personnes travaillent et que la croissance économique s'accélère ne provoque pas d'inflation», a-t-il déclaré.

Un message qui s'adresse directement au président de la Fed, Jerome Powell, nommé par Donald Trump, alors que la Fed, comme l'a montré jeudi le compte-rendu de sa dernière réunion de juin, s'inquiète aussi des éventuelles conséquences de la guerre commerciale sur l'économie américaine.