Le système de justice militaire est d'une telle lenteur que les procureurs abandonnent parfois des accusations - notamment une affaire récente de voies de fait causant des lésions corporelles.

Dans un rapport publié mardi, le vérificateur général, Michael Ferguson, attribue la responsabilité de cette lenteur extrême à tous les intervenants du système judiciaire dans l'armée canadienne - la police militaire, les procureurs, les commandants et le juge-avocat général.

Le vérificateur général évoque notamment les longues enquêtes, les retards dans la décision de porter ou non des accusations, les périodes prolongées de mise en place des cours martiales, et même des problèmes concernant la possibilité pour les militaires d'avoir accès à un avocat.

«De plus, les procureurs n'ont pas remis à l'accusé toute l'information pertinente pour sa défense dans les plus brefs délais possible», lit-on dans le rapport. Dans la plupart des cas examinés par le bureau de M. Ferguson, les fonctionnaires impliqués n'ont fourni aucune justification pour les délais, même si cela dépassait souvent les normes établies et que des explications étaient censées être fournies.

Selon le rapport du vérificateur général, le délai moyen de traitement des dossiers en cour martiale a été de 17,7 mois à compter du dépôt des accusations, soit à une dizaine de jours de la limite de 18 mois fixée par la Cour suprême du Canada en 2016 dans l'arrêt Jordan, qui s'applique également aux tribunaux militaires.

«Lorsqu'il y a des retards dans le processus de justice militaire, cela ne fait que prolonger l'incertitude pour les accusés et les victimes, indique le vérificateur général. Des retards à assigner aux accusés un avocat pour leur défense et à leur transmettre l'information au sujet de leur cause peuvent violer leurs droits constitutionnels. De plus, de tels retards peuvent miner la confiance dans l'administration de la discipline et de la justice au sein des Forces armées canadiennes.»

Ce rapport est publié alors que l'armée s'efforce d'éradiquer l'inconduite sexuelle dans ses rangs, après que certaines victimes se sont plaintes que leur cas n'était pas traité correctement. Le rapport est déposé aussi quelques semaines seulement après que le gouvernement de Justin Trudeau a dévoilé un projet de loi visant à modifier certains mécanismes du système de justice militaire, tout en renforçant les droits des victimes.

Mais M. Ferguson recommande surtout une meilleure communication entre les différentes parties du système de justice militaire, et une gestion plus efficace des dossiers de haut en bas du processus. M. Ferguson ajoute qu'un examen complet du système judiciaire militaire est attendu depuis longtemps.

En réponse au rapport de mardi, le ministère de la Défense nationale a déclaré qu'il mettait en place un nouveau système informatique pour mieux suivre les cas et s'assurer qu'ils ne souffrent pas de retards prolongés. Ce nouveau système devrait être opérationnel en septembre 2019.

PHOTO Sean Kilpatrick, LA PRESSE CANADIENNE

Le  vérificateur général du Canada, Michael Ferguson