Les Québécois sont ouverts envers les gais, lesbiennes et autres minorités sexuelles. Et ils aiment bien se le dire dans les journaux... en se comparant à ceux qui, selon eux, ne le sont pas. En clair, ils sont ce qu'on appelle des « homonationalistes ».

C'est ce qu'affirme Valérie Lapointe, doctorante à l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa, qui travaille sous la supervision du professeur Luc Turgeon.

« Je voulais répondre à la question suivante : si on se définit comme étant inclusifs et progressistes par rapport aux enjeux des minorités sexuelles, on le fait par rapport à qui ? », précise Mme Lapointe.

Pour le savoir, l'étudiante a analysé 99 articles de nouvelles, chroniques et lettres d'opinion publiés dans Le Devoir, La Presse et Le Journal de Montréal entre 1990 et 2017 et traitant des minorités sexuelles. Elle a eu une surprise.

« C'est étonnant et super intéressant, commente-t-elle. Les études menées aux États-Unis montrent que le point de comparaison, c'est les musulmans. Au Québec, ce n'est pas aussi clair. On se compare surtout au reste du Canada - et le reste du Canada, dans ce cas, c'est l'Alberta. C'est fascinant de voir comment l'Alberta est dépeinte comme conservatrice. »

Les musulmans ne sont toutefois pas en reste et sont, comme l'affirme Mme Lapointe, « instrumentalisés » dans ce processus.

« Qu'est-ce que ça donne, à certains chroniqueurs, de dire que le Québec est progressiste par rapport aux gais et lesbiennes ? Ça sert à dire que les musulmans sont archaïques et qu'ils maltraitent leurs femmes et leurs gais. On fait un clivage entre un "nous" inclusif et un "eux" archaïque et conservateur. » - Valérie Lapointe, doctorante à l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa

La fameuse charte des valeurs du Parti québécois, selon Valérie Lapointe, a contribué à faire émerger cet « homonationalisme ». Dans ce cas, cela aurait servi à tracer des frontières entre l'attitude prétendument ouverte des Québécois de souche et celle, considérée comme fermée, des immigrants à l'intérieur même de la province.

Mme Lapointe relève une minorité d'articles - elle cite notamment des chroniques de Josée Legault, au Journal de Montréal, et de Rima Elkouri, à La Presse - qui ne tracent pas ces frontières imaginaires. « Dans ces cas, on dit plutôt : attendons avant de nous flatter la bedaine avec votre ouverture envers les minorités sexuelles. Nous ne sommes peut-être pas les plus progressistes de la planète », commente-t-elle.

Mme Lapointe estime également que l'homonationalisme fait maintenant partie du « processus de construction nationale » au Québec.