Toutes les femmes du Québec, qu'elles soient syndiquées ou non, peuvent crier victoire, selon l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et les services sociaux (APTS).

La Cour suprême a jugé jeudi que les femmes n'ont pas à porter le fardeau financier des employeurs qui tardent à se conformer à la loi québécoise sur l'équité salariale.

«On est vraiment ravi de ce jugement-là, s'est réjoui le vice-président de l'APTS, Robert Comeau. C'est une victoire totale et complète.»

C'est la première fois que le plus haut tribunal du pays déclare qu'une loi sur le versement de salaires équivalents aux hommes et aux femmes est inconstitutionnelle.

La Cour suprême a rendu deux décisions jeudi matin dans deux causes différentes: l'une qui annule trois des dispositions de la Loi sur l'équité salariale qui date de 1996, l'autre qui la maintient. Dans les deux cas, les juges majoritaires ont toutefois conclu que la loi portait atteinte au droit à l'égalité garanti par l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le Québec débouté

Les modifications apportées par Québec à la loi en 2009 pour maintenir le régime de l'équité salariale étaient au coeur du litige avec l'APTS et plusieurs autres organisations syndicales.

La Cour suprême se range de leur côté et juge que ces changements sont discriminatoires puisqu'ils nuisent à l'accès des femmes à l'équité salariale.

«(...) on dit aux femmes sur le marché du travail qu'elles doivent tout simplement vivre avec le fait qu'elles ne sont pas payées équitablement, même lorsqu'une évaluation exigée par la loi a fait ressortir ce fait clairement», peut-on lire dans le jugement.

L'objectif du Québec était pourtant de maintenir cette équité en imposant une évaluation aux employeurs tous les cinq ans pour vérifier s'ils se conformaient. Les fautifs devaient ajuster le salaire futur des femmes, mais aucune compensation rétroactive n'était prévue. La loi s'applique aux employeurs où travaillent dix personnes ou plus.

Plusieurs organisations syndicales avaient contesté ce nouveau régime de maintien, arguant qu'il se trouvait à affaiblir la Loi sur l'équité salariale, en pénalisant les travailleuses touchées.

La Cour d'appel avait donné raison aux organisations syndicales, dont l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et les services sociaux (APTS), mais le gouvernement du Québec avait décidé de porter la cause devant la Cour suprême. Il a été débouté puisque six des neuf juges de la Cour suprême considèrent que le délai de cinq ans est inconstitutionnel.

«C'est une bonne nouvelle pour un minimum de 150 000 femmes qui sont affiliées à la FTQ et qui vont avoir droit à une rétroactivité en ce qui concerne le maintien de l'équité salariale», a réagi le secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, Serge Cadieux.

L'APTS compte militer pour que les sommes rétroactives soient versées à partir de 2001, année où les ajustements salariaux ont débuté. @Québec a préféré ne pas réagir au jugement jeudi pour pouvoir d'abord en prendre connaissance.

«Il faut que le gouvernement reconnaisse ce droit-là, arrête de contester toujours devant les tribunaux et accepte que les femmes doivent avoir la même rémunération que les hommes pour des emplois comparables», a souligné M. Comeau.

Dans un communiqué, la Fédération des Chambres de commerce du Québec appelle le gouvernement québécois à saisir l'occasion pour simplifier la «mécanique d'application» de l'équité salariale et compenser les entreprises pour «les contraintes administratives» qu'elle génère.

Autre délai justifié

Les éducatrices en garderie qui espéraient, elles aussi, obtenir un montant rétroactif ne l'auront pas pour des raisons différentes.

«On ne pourra pas corriger le passé avec ce jugement-là de la Cour suprême, déplore la présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Louise Chabot. Ça veut dire que c'est une discrimination qui n'aura pas été réglée et qu'il faut s'assurer pour l'avenir qu'elle soit corrigée avec les règles de la loi présentement.»

La CSQ avait porté la cause des éducatrices et celle des interprètes en langage gestuel qu'elle représentait jusqu'à la Cour suprême. Ces employées ont dû attendre six ans au lieu de quatre pour obtenir le rattrapage salarial que leur garantissait la loi québécoise.

Le plus haut tribunal du pays conclut que ce délai est discriminatoire, mais pas inconstitutionnel. Huit des neuf juges estiment que ce délai visait à trouver la bonne solution pour appliquer la Loi sur l'équité salariale.

Le gouvernement du Québec avait accordé plus de temps à la Commission de l'équité salariale pour lui permettre de calculer l'indemnisation à verser aux travailleuses dans des milieux à prédominance féminine où il n'y avait pas d'emplois à prédominance masculine pour comparer.

La Loi sur l'équité salariale au Québec donnait aux entreprises qui ont un comparateur masculin jusqu'au 21 décembre 2001, soit quatre ans à compter de son entrée en vigueur, pour compléter le programme d'équité salariale et commencer à verser les ajustements de salaire en conséquence.

Mais pour les entreprises sans comparateur masculin, la loi allouait au maximum deux ans de plus pour mener à terme l'exercice d'équité salariale, sans effet rétroactif au 21 décembre 2001. L'équité salariale des éducatrices en garderies et des interprètes en langage gestuel a finalement été réglée en 2007.

La CSQ estimait qu'il y avait là discrimination et que cela contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés. Elle avait déjà été déboutée en cour d'appel.