Les organisations de défense de libertés civiles sont très inquiètes face aux préparatifs de sécurité entourant la rencontre du G7 en juin à La Malbaie.

Amnistie internationale et la Ligue des droits et libertés ont obtenu les accréditations nécessaires pour y déléguer une trentaine d'observateurs qui documenteront la manière dont les policiers encadrent les manifestations prévues.

Selon la coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés, Nicole Filion, les mesures prévues pour le sommet de juin ont un air de déjà-vu.

«Que ce soit la délimitation des zones de sécurité ainsi que celle d'une zone dite »de libre expression« à La Malbaie, l'information quant aux effectifs de sécurité, les armes qui seront utilisées contre les manifestants, l'annonce de lieux de détention désignés nous ramènent au même scénario qu'on a pu expérimenter lors de sommets du même genre», a-t-elle affirmé en conférence de presse, mercredi, à Montréal.

Elle a ainsi évoqué le Sommet des Amériques à Québec en 2001, le Sommet de Montebello en 2007 et le Sommet du G20 à Toronto, où les opérations policières ont donné lieu à des abus des forces de l'ordre qui ont été largement documentés, notamment des arrestations massives injustifiées et des détentions arbitraires dans des conditions qui ont été dénoncées, notamment par le Comité des Nations unies contre la torture et le Comité des droits de l'homme de l'ONU.

Mme Filion a également fait part de sa préoccupation face à la présence de policiers armés de grenades lacrymogènes, de bombes assourdissantes et surtout de balles de plastique.

«On a militarisé le contrôle des foules lors de manifestations et, quant à nous, ces armes devraient être proscrites», a déclaré la représentante de la Ligue des droits.

À titre d'exemple, au Sommet des Amériques en 2001, les forces de l'ordre avaient utilisé plus de 5000 grenades lacrymogènes et 900 balles de plastique, une arme de dernier recours qui, en principe, ne doit servir que si le policier perçoit une «menace grave».

Les organismes estiment qu'il est impératif de rétablir l'équilibre entre le droit de manifester pacifiquement et de protéger la liberté d'expression et la nécessité d'assurer la sécurité des lieux.

Bien qu'ils reconnaissent que des casseurs se retrouvent fréquemment dans ces manifestations, ils déplorent que les forces policières se servent de leur présence pour justifier des arrestations massives et empêcher l'expression pacifique et légitime des manifestants.

«C'est toujours le même scénario: il y a des casseurs, la police panique et décide qu'ils arrêtent tout le monde. (...) On n'arrête pas les bonnes personnes, on arrête les manifestations. C'est ça l'objectif», a dénoncé Mme Filion.

Or, les autorités ont déjà prévu d'installer un centre de détention à Clermont à quelques kilomètres au nord de La Malbaie; les zones de sécurité entourant le Manoir Richelieu - où se tiendra le sommet - sont très vastes et l'espace prévu pour manifester à La Malbaie extrêmement restreint et ne comporte qu'une seule issue.

«Dans le cas de Clermont, ce qui est encore plus inquiétant, c'est que ce centre n'existe pas et on doit procéder à sa construction. On peut imaginer le côté précaire de l'installation», a fait valoir Nicole Filion, rappelant le cas du G20 à Toronto où des manifestants avaient été détenus par groupes de 30 dans des cages de quatre mètres par sept mètres dans un ancien studio de cinéma. Sur les 1100 personnes arrêtées à ce moment, seulement six pour cent avaient fait l'objet d'accusations.

À Québec, où plusieurs organisations de la société civile prévoient manifester, des aménagements ont déjà été prévus pour accueillir un afflux de détenus à la prison d'Orsainville, où de nombreuses violations des droits de la personne avaient été dénombrées à la suite du Sommet des Amériques de 2001.

Là, les personnes détenues avaient été «décontaminées» des gaz lacrymogènes en étant arrosées nues dans la cour de la prison. Elles avaient aussi été privées d'eau et de nourriture et n'avaient pu consulter un avocat.

Nicole Filion s'attend toutefois à un mouvement plus modeste cette fois. «Le mouvement de mobilisation en 2001 était assez massif, assez important. (...) Je ne sens pas le même type de mobilisation, la même ampleur (cette année)», a-t-elle dit.

Amnistie internationale et la Ligue des droits et libertés accueillent avec satisfaction la décision du ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, de les accréditer pour leur permettre l'envoi de la mission d'observation.

Ils lui demandent toutefois, ainsi qu'à son vis-à-vis fédéral Ralph Goodale, d'affirmer publiquement que la liberté d'expression est une priorité au même titre que la sécurité.