Le gouvernement fédéral accepte d'examiner la demande de remboursement du Québec pour la prise en charge des demandeurs d'asile en plus de prendre une série de mesures pour alléger le fardeau de la province.

«On va travailler les chiffres ensemble et on va trouver un terrain d'entente», a affirmé le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, à l'issue de la rencontre mercredi soir du groupe de travail intergouvernemental sur la migration irrégulière lancé en août pour faire face à la crise.

Ottawa accepte de mettre en place un processus de triage des demandeurs d'asile à la frontière pour savoir dans quelle province ils désirent aller et leur permettre de s'y rendre. Ceux qui ne tiennent pas à rester à Montréal seront dirigés vers d'autres régions du Québec où il y a des pénuries de main-d'oeuvre selon leurs compétences. L'octroi de leur permis de travail sera accéléré pour qu'ils puissent se trouver un emploi le plus rapidement possible et assumer leurs frais de subsistance.

M. Garneau a également indiqué que 74 millions des 173 millions alloués dans le dernier budget fédéral pour gérer les arrivées irrégulières à la frontière serviront à accélérer le traitement des demandes d'asile par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

«C'est un pas dans la bonne direction, a commenté le ministre québécois de l'Immigration, David Heurtel. Le ton a changé. Déjà, on sent une plus grande ouverture de la part du gouvernement fédéral.»

Il s'attend à recevoir un chèque au bout de l'exercice. «À une certaine époque, ça semblait être une porte entièrement fermée, a-t-il ajouté. Là ce qu'on a, c'est un groupe de travail qui commence à travailler maintenant. Les experts du fédéral vont s'asseoir avec nos experts, on va parler notamment de ventilation de coûts.»

Le ton s'était adouci entre Québec et Ottawa avant la réunion.

«Le gouvernement fédéral reconnaît très bien que le Québec a eu beaucoup sur ses épaules dans les neuf derniers mois avec la majorité des migrants irréguliers qui sont venus dans la province», avait tenu à souligner M. Garneau.

Le Québec réclame 146 millions $ pour la prise en charge des demandeurs d'asile qui sont entrés au pays de façon irrégulière à la frontière canado-américaine près du poste de Saint-Bernard-de-Lacolle. Il s'agit d'un point de départ, a précisé M. Heurtel.

«La lettre du 21 mars que j'ai envoyée à M. Hussen disait qu'on a l'intention de réclamer l'ensemble des dépenses qui ont été encourues par le Québec en 2017, a-t-il rappelé. À date (sic), le chiffre qu'on a c'est 146 millions, ça pourrait être plus parce qu'on continue à comptabiliser les demandes.»

Bras de fer attendu

Plus tôt dans la journée, Ottawa avait tenté de calmer le jeu, alors qu'un bras de fer s'annonçait avec le Québec.

«Nous n'aurions pas pu gérer la situation aussi bien que nous avons pu le faire l'an dernier sans la grande collaboration du Québec et nous sommes impatients de poursuivre cette collaboration», avait affirmé le ministre fédéral de l'Immigration, Ahmed Hussen, avant la période des questions mercredi.

Quelques heures plus tôt, le premier ministre Philippe Couillard s'était déclaré «extrêmement insatisfait» de la lettre du ministre Hussen, l'enjoignant de prendre ses responsabilités et de continuer à accueillir des migrants irréguliers.

M. Hussen répondait finalement à la missive que le gouvernement du Québec lui avait fait parvenir il y a près d'un mois pour réclamer un remboursement des sommes allouées à la prise en charge des demandeurs d'asile.

Dans la réponse, le ministre Hussen disait comprendre les préoccupations du Québec, mais signalait qu'il attendait toujours la ventilation du soutien financier demandé.

Il notait également que seulement quatre lieux d'hébergement temporaires pour les demandeurs d'asile sont présentement disponibles dans la province alors qu'il y en avait 13 l'été dernier, «ce qui risque de créer des retards à la frontière et d'entraîner une situation humanitaire inacceptable».

«Nous devons éviter de causer des souffrances indues aux familles en quête de protection», avait-il écrit tout en appelant à poursuivre la collaboration avec le gouvernement québécois.

La réponse du ministre Hussen «n'est pas acceptable», avait laissé tomber M. Couillard à son entrée au caucus libéral mercredi matin, et elle «montre une méconnaissance complète des réalités du terrain, de ce que le Québec a vécu l'an dernier et ce que, bien sûr, on va vivre cette année selon les projections».

Le Québec est prêt à jouer un rôle humanitaire, avait-il assuré, mais selon ses capacités d'accueil et ses ressources. Les services en santé et en éducation notamment sont déjà «étirés» suite à l'afflux important de migrants irréguliers en 2017.

Le Québec a reçu 25 000 migrants irréguliers, soit la moitié de toutes les entrées de ce type au Canada, comparativement à une moyenne annuelle «normale» de 3500.

Les projections du ministère québécois de l'Immigration laissent entrevoir pour l'été prochain, en période de pointe, un rythme de 400 passages irréguliers par jour, soit près du double des 250 quotidiens de l'an dernier.

«C'est très difficile de prédire ces choses-là et on fait notre possible, a réagi Marc Garneau. D'abord et avant tout, on veut être prêt au cas où les chiffres augmentent.»

Quatre ministres québécois ont annoncé lundi que la province a atteint la limite de sa capacité d'accueil et ne compte plus accueillir l'excédent à compter du 24 avril dans ses centres d'hébergement temporaire à Montréal.

Dans sa lettre, le ministre Hussen rappelait les mesures déjà mises en place par Ottawa pour alléger le fardeau financier du Québec comme la réduction du délai pour l'octroi de permis de travail de trois mois à trois semaines. Il souligne également que les demandeurs d'asile bénéficient d'une couverture médicale fédérale et donc que leurs soins de santé ne coûtent rien au Québec.