Pendant 30 ans, rien ne semblait susciter la moindre réaction chez Ian Jordan, un ancien sergent de la police de Victoria, mais sa femme soutient que ses yeux s'illuminaient lorsqu'elle lui parlait de leur fils.

Ian Jordan est décédé mercredi, trois décennies après que sa voiture de patrouille soit entrée en collision avec un autre véhicule de police en direction du même appel.

Sa veuve, Hilary Jordan, explique que contrairement aux personnes dans un état comateux, l'ex-policier semblait éternuer, bâiller, tousser et même vivre des cycles de sommeil et d'éveil. Il avait l'air d'apprécier la musique, fixant souvent quiconque se trouvait dans la même pièce lorsque jouait une chanson, illustre-t-elle.

«Dans les premiers jours, on pouvait sentir un peu de pression dans sa main quand on lui demandait de la serrer. Nous ne sommes pas certains si c'était un réflexe ou pas, mais il communiquait par ses yeux, raconte-t-elle. Ses yeux s'écarquillaient souvent quand je parlais de Mark, son fils».

Mark avait seulement 16 mois au moment de l'accident, le 22 septembre 1987.

Mme Jordan explique que son mari était demeuré dans le coma quelques mois avant de tomber dans un état dit non-répondant.

Elle ne saura jamais si son mari était en fait conscient et capable de communiquer, comme c'est le cas avec le syndrome d'enfermement, ou si ses semblants de réactions n'étaient que des réflexes.

«C'est une question éternelle que je me pose depuis 30 ans», admet-elle.

Le laboratoire du docteur Adrian Owen, titulaire de la Chaire d'excellence en recherche du Canada sur les neurosciences cognitives et l'imagerie à l'Université Western, a identifié plusieurs cas où une personne qui semblait comateuse ou végétative était pourtant consciente.

«Selon notre expérience, environ 20% des patients qui semblent entièrement non-répondants sont en fait conscients», indique le docteur Owen.

Mais il a aussi étudié des cas où un proche était convaincu de la capacité à communiquer du patient, même si les tests démontraient le contraire.

«J'ai appris que ce que l'on voit est rarement ce que l'on obtient, expose-t-il. Nous devons utiliser ces nouvelles technologies sophistiquées. Dans notre cas, c'est l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle  pour rentrer dans la tête de cette personne et déterminer ce qu'elle vit vraiment.»

Le sergent à la retraite Ole Jorgensen visitait son ami Ian Jordan pratiquement tous les mois pour le mettre au fait de ce qui se passait dans le corps de police.

«On ne savait pas s'il nous entendait, alors je le tenais au courant au cas où», explique-t-il.

Ian Jordan aura droit à des funérailles policières jeudi prochain, à Victoria.