Les femmes qui ont lancé des applications destinées au transport exclusif de la gent féminine affirment que les obstacles auxquels elles sont confrontées démontrent exactement pourquoi ce type de service est nécessaire.

Des femmes, de Halifax jusqu'à l'île de Vancouver, souhaitent offrir des solutions de rechange entièrement féminines à des services tels que Uber et Lyft, mais la plupart se heurtent à des barrières touchant la réglementation en vigueur ou encore les mentalités.

Plusieurs fondatrices de ce type de service disent avoir observé une forte demande de la part de femmes qui souhaitent avoir un plus grand sentiment de sécurité dans leurs déplacements quotidiens.

Elles affirment qu'il est commun pour une femme de se sentir mal à l'aise en voyageant seule avec un ou des hommes, mais que les récents cas d'allégations d'agressions sexuelles contre des chauffeurs ont amplifié les raisons pour lesquelles ce type d'initiative est utile.

Depuis la mi-mars, un service entièrement féminin est apparu dans le paysage torontois. Un service similaire est offert à Winnipeg et un autre est présent dans les rues de Halifax. Des efforts sont portés à Kitchener et sur l'île de Vancouver pour déployer ce type de transport.

Les fondatrices de ces applications soulignent que l'attitude de représentants municipaux et de résidants locaux à leur égard a fait de leur combat un réel parcours du combattant. Elles disent toutefois être déterminées à poursuivre leur entreprise.

«Le fait que certaines personnes aient un problème avec cela... prouve que nous ne pouvons rien avoir pour nous-mêmes sans en être blâmées», affirme Aisha Addo, la fondatrice du service torontois DriveHer.

Elle soutient que l'idée d'offrir un service de taxi pour les femmes et par les femmes lui est venue un soir alors qu'elle voyageait seule avec un chauffeur de taxi masculin dans une banlieue ouest de Toronto.

Elle mentionne que le chauffeur lui posait des questions de plus en plus personnelles et essayait de savoir si elle était en couple et si elle vivait seule.

Mme Addo dit avoir demandé au chauffeur de la laisser à quelques rues de sa maison, de crainte qu'il ne sache où elle réside. Elle a alors compris que les femmes devaient avoir à leur disposition une solution de rechange pour se sentir en sécurité.

Depuis le lancement de DriveHer, il y a quelques semaines, Mme Addo affirme que plus d'une centaine de femmes se sont inscrites pour agir à titre de chauffeuses. Au cours des deux dernières semaines, l'application aurait été téléchargée plus de 3000 fois.

Aisha Addo soutient que son plus grand défi a été de convaincre ses interlocuteurs que DriveHer n'est pas discriminatoire. Elle a d'ailleurs dû retenir les services d'une avocate en droits de la personne pour faire valoir ce point face aux autorités municipales.

Cette avocate, Saron Gebresellassi, a mentionné dans un courriel transmis à La Presse canadienne que DriveHer est «entièrement conforme avec la législation provinciale sur le plan des droits de la personne».

Elle argue que l'entreprise aide à promouvoir une «égalité factuelle» en remédiant à des iniquités vécues par des femmes en utilisant des services de transport.

Me Gebresellassi ajoute que la Ville de Toronto offre déjà une panoplie de services sociaux destinés exclusivement aux femmes, comme des refuges et des services de soutien.

Des hommes ont également scandé que l'application violait leurs droits. Un argument qui ne tient pas la route pour Marcy Segal, une avocate torontoise spécialisée en droit criminel et en droit des femmes.

«Il n'y a aucun préjudice pour les hommes», laisse-t-elle tomber, soulignant que plusieurs services genrés existent déjà, comme les toilettes, sans que cela crée une controverse.

«Les hommes ne seront pas bloqués. Il existe d'autres solutions pour qu'ils se déplacent... Les hommes ne sont pas en train d'être persécutés en ne pouvant pas utiliser ce service de taxi.»