Alors que le gouvernement pilote une importante réforme du Code de la sécurité routière, le directeur général d'Éduc'alcool, Hubert Sacy, trouve que l'absence de certaines mesures est « incompréhensible ». Entrevue avec le directeur général de l'organisme, qui présentera aujourd'hui en commission parlementaire un mémoire avec lequel il espère percer le « secret de la Caramilk », version Québec.

Q : Vous serez présent aujourd'hui à Québec pour présenter vos observations quant au projet de loi 165 modifiant le Code de la sécurité routière. Êtes-vous satisfait de ce qui est proposé ?

Hubert Sacy (HS) : Tant qu'à faire des changements législatifs, autant faire ceux qui sont les plus importants. Il y a une mesure dans ce projet de loi pour lequel nous avons beaucoup de gentilles choses à dire, avec des nuances, et il y a tout ce qui ne s'y trouve pas, ce qui est incompréhensible.

Nous saluons la mesure prévue pour les récidivistes de l'alcool au volant. Toutes les recherches scientifiques démontrent en effet que les antidémarreurs à vie, c'est une bonne mesure pour les protéger et pour protéger la société. Ces gens-là, lorsqu'ils ont consommé de l'alcool, ils ne sont plus eux-mêmes. Mais ce ne sont pas des millionnaires. En règle générale, les récidivistes sont des gens passablement pauvres, puis les antidémarreurs coûtent des centaines de dollars par mois.

Ne les laissons pas à eux-mêmes, soutenons-les pour réduire les coûts, puis instaurons un programme de modification des comportements. Il ne suffit pas de leur mettre un bidule sur leur voiture. Il faut modifier leur modèle de consommation d'alcool.

Q : Pourrait-on mieux encadrer également les employés des bars et des restaurants où l'on sert de l'alcool ?

HS : Rappelons-nous qu'au-delà des deux tiers des accidents de la route qui se produisent sous l'effet de l'alcool ne sont pas dus aux récidivistes. Un grand nombre des personnes qui conduisent avec les facultés affaiblies sont des gens qui sortent des bars et des restaurants. Nous avons créé il y a 15 ans un cours qui s'appelle Action service. Quand je dis « nous », ce n'est pas Éduc'alcool tout seul. C'est l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ) et Éduc'alcool. Il n'y a pas plus gouvernemental qu'un institut d'enseignement qui appartient au gouvernement du Québec. C'est leur truc ! On a créé ce cours, pas parce que nous sommes des génies, mais parce qu'on a constaté que partout dans les pays de l'OCDE où ce cours était obligatoire, on a réduit de 25 à 33 % la conduite avec les facultés affaiblies.

J'ai fait le tour de tous les partis politiques ces dernières années. Tout le monde me dit qu'on a raison et que ça va se faire. Ça fait 12 ans que la comédie dure, ce n'est toujours pas fait. Ça et le secret de la Caramilk, ce sont les deux grands mystères de ma vie. Et ça ne coûte pas cher ! Le cours coûte 45 $.

Q : Vous déplorez également qu'il n'y ait pas assez de barrages routiers. En quoi les augmenter serait-il efficace pour améliorer la sécurité routière ?

Nous faisons des sondages qui démontrent année après année que les trois quarts des Québécois n'ont pas vu un barrage routier au cours des 12 derniers mois. Or, toutes les recherches démontrent que la première question que se posent les gens qui sortent des bars et des restaurants - et je ne parle pas ici des récidivistes - est : est-ce que je vais me faire pogner ? Si on est chez des amis et qu'il y a une voiture de police stationnée devant, personne ne va prendre son auto. La sanction est évidente. C'est un vieux proverbe français : la crainte est le commencement de la sagesse.

En Italie, où l'on a triplé les barrages policiers, ils ont fait baisser la conduite avec facultés affaiblies sans même toucher aux lois.