Un rapport sur le système de paie Phénix indique que le gouvernement fédéral a sous-estimé la complexité du projet et semble avoir fait abstraction des signes précurseurs de ses ratés avant d'y donner son feu vert.

Le rapport souligne que la plupart des hauts fonctionnaires ne comprenaient pas tout à fait la difficulté de remplacer des dizaines de systèmes de paie vieillissants par Phénix. Ce changement, initié sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper, en 2009, a été davantage compliqué par les coupes dans les effectifs de conseillers fédéraux en matière de paie.

Les consultants font valoir que le gouvernement n'aurait dû remercier ses experts qu'après le lancement du système.

L'étude, menée par un groupe d'experts-conseils établi à Ottawa au coût de 165 000 $, révèle également que les breffages à propos de l'implantation de Phénix étaient souvent positifs, étouffant toute mauvaise nouvelle, et que le ministère qui supervisait la transition entretenait une culture où dire la vérité au gouvernement n'était pas encouragé.

Même lorsque des inquiétudes faisaient surface, les consultants affirment qu'elles étaient dans la plupart des cas ignorées, comme lorsque Santé Canada et la Garde côtière ont signalé que Phénix ne pourrait pas composer avec leurs particularités.

Tout juste avant le lancement de Phénix, en février 2016, la mise à l'épreuve du système n'avait toujours pas été complétée. Bon nombre de défaillances n'avaient «aucune date de résolution prévue», rapporte la société d'experts-conseils, qui s'est penchée sur le déroulement des événements entre 2008 et avril 2016.

Sous-payés, surpayés ou pas payés du tout

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau a néanmoins permis au projet d'aller de l'avant au début de l'an dernier et depuis, des milliers d'employés de la fonction publique fédérale ont été sous-payés, surpayés ou n'ont toujours pas touché leur dû.

Les deux ministres responsables du dossier ont présenté leurs excuses aux employés touchés par ce fiasco, qualifiant la situation d'inacceptable.

Le président du Conseil du Trésor, Scott Brison, a avancé que les «erreurs du passé ne seront pas répétées» dans de futurs projets informatiques.

La ministre des Services publics, Carla Qualtrough, et lui n'ont toutefois pas voulu annoncer quand la situation devrait se résorber.

«Soyons clairs, il nous revient de régler ce dossier et nous allons le faire», a-t-elle néanmoins déclaré.

Phénix devait remplacer un système vieillissant et assurer une certaine capacité d'adaptation à l'évolution de la fonction publique. Il devait permettre d'épargner 78 millions dès sa première année en place - des économies qui ne se sont toujours pas matérialisées.

Selon le rapport rendu public jeudi, l'argent a guidé bien des décisions des hauts fonctionnaires qui tentaient de respecter les échéanciers et de réaliser les économies promises par le gouvernement de Stephen Harper. Il ne leur aurait pas traversé l'esprit de demander des délais ou un plus grand budget.

Plus de 350 nouveaux conseillers ont été embauchés et des centres de paies temporaires ont été ouverts pour s'attaquer à l'arriéré d'opérations, qui se situe actuellement à 357 000 selon la ministre Qualtrough, qui refuse toutefois de préciser le nombre de fonctionnaires touchés.

Phénix en quelques chiffres

8,9 millions: nombre d'opérations de paie gérées par le gouvernement fédéral chaque année 300 000: nombre de fonctionnaires que le gouvernement fédéral doit rémunérer sur une base régulière

17 milliards: valeur totale des paiements gérés par les systèmes fédéraux de paie