En entrevue avec La Presse, Pierre Beaudoin, président du conseil d'administration, dit espérer que les Québécois se réconcilieront avec Bombardier, malgré la récente crise de confiance.

En le voyant marcher d'un pas presque léger pour se rendre à l'assemblée annuelle de Bombardier, tenue il y a 10 jours dans une usine de Dorval, il était difficile de croire que Pierre Beaudoin était la cible d'une fronde sans précédent des caisses de retraite et, pire encore peut-être, de sarcasmes virulents sur les réseaux sociaux.

L'homme de 54 ans, qui est entré chez Bombardier à 23 ans, a mené l'assemblée sans broncher. Seul petit faux pas : il a prononcé le mot « transaction » plutôt que « transition » en faisant part de sa décision de quitter ses fonctions à la direction de l'entreprise le 30 juin pour donner sa pleine autonomie au PDG Alain Bellemare. Le lapsus l'a fait sourire.

Au siège social de Bombardier, au 29e étage d'une tour du centre-ville, M. Beaudoin est encore plus calme lorsqu'il rencontre La Presse, une semaine après le rendez-vous avec les actionnaires. Il admet posément que la controverse sur la rémunération et la gouvernance de Bombardier n'a pas été facile à vivre pour lui, pour sa famille et pour les salariés de l'entreprise, mais il n'exprime aucun regret.

« Ce n'est pas plaisant. Évidemment, on aime mieux régler ça en privé. Quand c'est public, c'est un peu plus difficile », dit-il.

Bombardier n'aurait-elle pas évité cette nouvelle crise si le conseil d'administration qu'il préside n'avait pas consenti à d'importantes augmentations de rémunération pour les hauts dirigeants ? Pierre Beaudoin ne répond pas directement, préférant répéter la position que Bombardier a adoptée il y a plusieurs semaines : oui, l'entreprise aurait pu mieux communiquer sur la question, mais il faut bien payer les patrons pour s'assurer de leur fidélité. On sent là l'entêtement hérité de son père Laurent, le bâtisseur du Bombardier moderne.

Appui du public

« Dans une entreprise comme Bombardier, il y a des périodes qui sont plus le fun, il y en a d'autres où l'on doit reconnaître qu'on a fait des choses moins bien, et dans ces périodes-là, on se remet en question, affirme M. Beaudoin. On est fiers de ce qu'on fait et c'est important pour nous d'avoir l'appui de notre communauté. »

Cela est plus important que jamais, concède-t-il, puisque l'an dernier, Bombardier a eu droit à des investissements de 2,5 milliards US de la part de la Caisse de dépôt et placement ainsi que du gouvernement du Québec. Cela dit, Pierre Beaudoin croit que le moment est maintenant venu pour la population de mettre de côté ses rancoeurs sur la rémunération des dirigeants de Bombardier et l'aide publique octroyée à l'entreprise.

« J'aimerais ça que les Québécois, quand ils pensent à Bombardier, ils voient ce que construisent nos employés », exprime-t-il, impatient de voir ses concitoyens voyager dans les futurs avions C Series d'Air Canada.

« Ici au Québec, on construit le meilleur avion au monde dans sa catégorie », lance M. Beaudoin dans un élan d'enthousiasme.

Bombardier en fait-il suffisamment pour regagner la confiance des Québécois ? Chose certaine, ce sera là le prochain grand défi de la carrière déjà mouvementée de Pierre Beaudoin.