Le système d'immigration permet la détention indéfinie et arbitraire d'étrangers en attente de déportation, et viole donc la Charte canadienne des droits et libertés, ont plaidé lundi des avocats qui contestent en Cour fédérale la constitutionnalité de la loi.

Dans leur plaidoirie, les avocats d'un ressortissant jamaïcain qui a passé cinq ans en détention préventive ont soutenu que le gouvernement canadien devrait se doter d'un mécanisme rigoureux, prévoyant une limite à la détention lorsque l'étude du dossier de déportation ne risque pas d'être rapide.

Me Jared Will a soutenu que ces détentions indéfinies sont contraires aux principes de justice, et que l'État canadien prive ainsi des êtres humains de leurs droits fondamentaux, en violation de la Charte mais aussi des obligations internationales du Canada.

La Charte canadienne des droits et libertés garantit que «chacun a droit à la protection contre la détention ou l'emprisonnement arbitraires». Or, certaines dispositions de la Loi sur l'immigration permettent aux autorités canadiennes de détenir indéfiniment, souvent dans des conditions de sécurité maximale, des étrangers en attente de déportation si Ottawa croit qu'ils pourraient s'enfuir ou constituer une menace, ou encore si on ne peut confirmer leur identité.

La Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada doit réexaminer tous les 30 jours les motifs pour lesquels l'Agence des services frontaliers garde en détention un étranger ou un résident permanent. Mais selon les avocats du Jamaïcain qui a passé cinq ans en détention préventive, ce réexamen ne serait souvent qu'une simple formalité, qui renvoie le détenu en prison de façon automatique.

Résultat: des centaines de personnes attendent derrière les barreaux pendant des mois, voire des années. Me Will a plaidé lundi pour que la détention soit limitée à six mois, sauf exception. L'Union européenne, par exemple, a fixé cette limite à 18 mois, a plaidé l'avocat.

À risque?

Sa collègue Jean Marie Vecina a de son côté signalé qu'une fois le terme «menace à la sécurité publique» lâché par un représentant du gouvernement fédéral, ce constat sera répété inlassablement tout au long du processus, sans que l'on puisse vraiment en vérifier l'exactitude. De plus, le gouvernement n'a aucune obligation de dévoiler des renseignements qui pourraient être favorables à un détenu.

Le juge Simon Fothergill a à plusieurs reprises interrogé les avocats sur la constitutionnalité du mécanisme, ou du moins la façon dont il est appliqué sur le terrain. Les avocats ont soutenu que ces détentions «injustes» violent aussi l'article 12 de la Charte canadienne, qui prévoit que «chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités».

Le Jamaïcain détenu pendant cinq ans, Alvin Brown, a finalement été renvoyé dans son pays en septembre dernier, à l'âge de 40 ans, après avoir passé plus de 30 ans au Canada. Le père de six enfants, atteint de maladie mentale, avait eu plusieurs démêlés avec la justice canadienne, notamment pour des affaires de drogue et d'armes.

Le Réseau pour la fin de la détention en immigration, qui était présent en Cour fédérale à Toronto lundi, réclame pour sa part une limite de 90 jours à la détention préventive. Selon l'organisme, des centaines d'étrangers sont actuellement détenus au Canada, souvent au milieu de criminels endurcis. Au moins 15 de ces détenus sont morts en prison depuis 2000, soutient l'organisme, mais l'Agence des services frontaliers est avare de commentaires à ce sujet.

Ottawa doit plaider sa cause en Cour fédérale mardi.