Les centaines de personnes arrivant au Canada depuis les États-Unis ces dernières semaines sont davantage «des réfugiés que des migrants», explique Jean-Nicolas Beuze, représentant au Canada du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Le HCR a mené une mission au poste-frontière de Lacolle, à 70 km au sud de Montréal, et à proximité, au débouché du chemin Roxham où des familles entières passent avec valises et poussettes, en coordination avec la police des frontières et la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

«Il y a eu de tout temps des passages» clandestins et, sans avoir de chiffres officiels récents, la question est «de savoir si ce phénomène est en train d'augmenter dans des proportions importantes ou tout à fait acceptables», confie Jean-Nicolas Beuze dans un entretien à l'AFP.

«Ces personnes sont plus des réfugiés que des migrants (...) car elles ne viennent pas au Canada nécessairement pour avoir une vie meilleure mais simplement parce qu'elles risquent la persécution dans leur pays d'origine».

Les critères pour déposer une demande d'asile sont quasi identiques aux États-Unis ou au Canada. En vertu d'un accord canado-américain dit d'«Entente sur les tiers pays sûrs» (Safe third country argument), «les requérants d'asile doivent déposer la demande dans le premier pays où ils entrent, sauf si ils ne sont pas arrivés par un poste-frontière régulier».

Système équitable

En raison du climat politique hostile aux réfugiés créé par l'élection de Donald Trump aux États-Unis, beaucoup choisissent de passer clandestinement au Canada pour y déposer leur demande d'asile .

«Les gens ont peur de se trouver à terme dans une situation où ils n'auraient pas accès à un système équitable», estime le représentant du HCR au Canada.

Le président américain a indiqué vouloir publier la semaine prochaine un nouveau décret migratoire pour remplacer celui qui a été suspendu par la justice fédérale.

Les personnes rencontrées ces derniers jours par l'agence onusienne «sont des gens de classe moyenne à élevée, bien éduqués, sachant pertinemment ce qu'ils font après avoir bien préparé leur voyage», ajoute M. Beuze.

«La plupart d'entre eux étaient en transit aux États-Unis, en provenance directe de leur pays d'origine avec, pour différentes raisons, un visa valide pour les États-Unis».

Yéménites, Soudanais, Syriens ou Turcs, la majorité sont des familles et «à priori des gens qui avaient une bonne raison de quitter leur pays avec de fortes chances d'être reconnus comme réfugiés».

Parmi ces demandeurs d'asile, explique-t-il, «des hommes entre 18 et 35 ans qui sont mobilisables dans leur pays d'origine et ne veulent pas être enrôlés par l'armée régulière ou un groupe armé d'opposants».

Pratiquement tous «se sont débrouillés seuls» grâce à «l'information disponible sur internet, donc sans avoir nécessairement besoin d'avoir recours à un passeur». Sans avoir recueilli de témoignages directs, M. Beuze mentionne un coût pouvant aller jusqu'à 5000 dollars pour entrer irrégulièrement au Canada.

Des voix s'élèvent au Canada pour des contrôles plus stricts aux frontières, sans vraiment surprendre car «ces rhétoriques de fermer les frontières sont entendues à peu près partout, en Europe et en Amérique du nord, ou ailleurs».

«Les mouvements de personnes ont toujours existé et existeront toujours», explique Jean-Nicolas Beuze, ajoutant que ce sont souvent la seule réponse «quand les gens sont désespérés».