Justin Trudeau a admis, jeudi, que le gouvernement fédéral n'avait pas su tenir compte de signes avant-coureurs qui prédisaient déjà des complications dans le nouveau système de paie des fonctionnaires, avant même qu'il ne soit mis en place il y a près d'un an.

Lors d'une séance de discussion ouverte avec les citoyens au premier jour de sa tournée nationale, jeudi, à Kingston, en Ontario, le premier ministre a concédé à un fonctionnaire mécontent que son gouvernement «n'avait pas été suffisamment attentif aux défis et aux signes avant-coureurs à l'étape de la transition» vers le nouveau système de paie Phénix. M. Trudeau a assuré le fonctionnaire que le gouvernement «travaille extrêmement fort pour remédier à cette situation».

Ottawa tente toujours de régler un arriéré d'environ 8000 dossiers d'employés fédéraux qui ont reçu des chèques de paie erronés - «c'est 8000 de trop», a admis M. Trudeau, jeudi. Ces fonctionnaires ont été trop payés ou pas assez pour des revenus particuliers comme des heures supplémentaires.

Plus tôt jeudi, le syndicat des scientifiques et employés professionnels de la fonction publique fédérale demandait d'ailleurs au gouvernement de créer un système de paie séparé afin d'aider tous ces fonctionnaires qui sont encore victimes des ratés de Phénix. L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada prévient que la patience de ses membres est à bout.

«Les employés qui doivent composer avec une paie substantiellement réduite - voire inexistante - devraient être payés par le biais d'un système séparé, mais parallèle, jusqu'à ce que les problèmes de Phénix soient réglés et qu'ils puissent réintégrer ce système», a indiqué en conférence de presse, jeudi, la présidente du syndicat, Debi Daviau, à Ottawa. «Cela fait presque un an que le fiasco Phénix a été imposé à nos membres. Les appels à la patience du gouvernement sont maintenant déraisonnables.»

En faisant le point cette semaine dans ce dossier, Services publics et Approvisionnement Canada a même renoncé à prédire un nouvel échéancier pour la résolution définitive des problèmes de Phénix. Cet aveu a constitué un tournant pour la présidente Daviau: le syndicat, qui représente environ 55 000 scientifiques et autres employés professionnels du gouvernement fédéral, ne croit plus maintenant Ottawa lorsqu'il soutient que les problèmes seront bientôt réglés.

L'arriéré remonte dans certains cas jusqu'au milieu de 2016, alors que 82 000 dossiers étaient problématiques; plusieurs centaines de fonctionnaires n'ont même rien reçu pendant un certain temps - et parfois même pendant des mois.

La ministre des Services publics et de l'Approvisionnement, Judy Foote, s'est dite ouverte à la suggestion de l'Institut professionnel, jeudi, sans rien promettre. Son cabinet a par ailleurs soutenu dans un courriel que «tous les fonctionnaires» qui sont lésés peuvent recevoir du gouvernement une avance salariale d'urgence.

Or, selon Mme Daviau, seuls les fonctionnaires qui sont privés de tout salaire peuvent réclamer une telle avance. Les employés qui n'ont pas été payés pour des heures supplémentaires, par exemple, ne sont pas admissibles à ces avances salariales, soutient la présidente du syndicat. «On nous avait promis que les lacunes touchant la paie d'urgence seraient comblées et que les employés insuffisamment payés pourraient recevoir des avances de salaire. En ce moment, ils n'ont rien.»