La cérémonie a été bilingue, multiconfessionnelle, et son point d'orgue a été la livraison, par la foule endeuillée, de la version plus «inclusive» de l'hymne national si chère à Mauril Bélanger.

Les funérailles célébrées samedi à la basilique-cathédrale Notre-Dame d'Ottawa étaient à l'image de l'homme, qui s'est éteint le 15 août dernier à l'âge de 61 ans.

Plusieurs dignitaires, dont le premier ministre Justin Trudeau, étaient sur place pour rendre un dernier hommage à Mauril Bélanger, infatigable défenseur des droits des francophones du Canada anglais.

Dans son éloge funèbre, le chef libéral a salué le courage et la détermination de ce «brillant parlementaire», qui laissera derrière lui «un héritage qui traversera les époques», mais surtout, pour qui «être Franco-Ontarien était une immense source de fierté».

«Vous m'entendez souvent me présenter comme un fier Québécois, car c'est vraiment ainsi que je me vois», a fait valoir M. Trudeau, rappelant que c'est dans cette province qu'il a passé une grande partie de jeunesse.

«Mauril, cependant, avait une vision différente de la chose. Il n'a jamais raté une occasion de me rappeler que je suis né à Ottawa, ce qui fait techniquement de moi un Franco-Ontarien. Nous faisions des blagues à ce sujet, mais vous savez, je ne l'ai jamais corrigé sur ce point», a-t-il confié.

Sa contribution à la promotion du fait français, tant au pays qu'à l'étranger, a ensuite été soulignée par la secrétaire générale de l'Organisation internationale de la Francophonie et ancienne gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean.

Il était «l'un des plus ardents défenseurs de la Francophonie internationale, espace de solidarité, de partenariat et de coopération [...] Je n'oublie pas nos échanges tellement passionnés sur le sujet», a-t-elle exposé lors de son éloge funèbre.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, a lui aussi tenu à se déplacer pour dire adieu à son ancien collègue libéral aux Communes, «qui s'est battu pour le bilinguisme à Ottawa, s'assurer que les francophones de partout au Canada puissent être des citoyens de première classe».

Mauril Bélanger est décédé après une bataille publique contre la sclérose latérale amyotrophique (SLA), communément appelée maladie de Lou Gehrig. Il aura mené ce combat personnel en même temps qu'il en poursuivait un autre comme député à la Chambre des communes.

Le parlementaire s'est en effet battu pour rendre plus «inclusive» la version anglaise de l'hymne national du Canada en remplaçant «true patriot love in all thy sons command» («un vrai amour de la patrie anime tous tes fils») par «true patriot love in all of us command» («un vrai amour de la patrie nous anime tous»).

Son projet de loi a été adopté en Chambre le 15 juin 2016. Il n'a pas encore reçu la sanction royale, car une semaine après l'approbation aux Communes, le Sénat a ajourné ses travaux pour l'été sans l'adopter.

N'empêche, c'est cette version du Ô Canada qui a été chantée à la toute fin de la cérémonie, samedi, vers midi. Les quelques centaines de personnes qui l'ont entonnée ont conclu avec un tonnerre d'applaudissements.

«On a chanté avec beaucoup de coeur. C'est immense quand même d'avoir fait ça, d'avoir amené l'hymne national dans une dimension qui est celle d'aujourd'hui, des réalités d'aujourd'hui, et dans une dimension beaucoup plus inclusive encore [...]», a offert Michaëlle Jean après la cérémonie.

«Je vous soumets que 99 % des personnes présentes ici l'ont fait. C'était vraiment émotif. Il y avait beaucoup de gens qui, après, faisaient: «Right on!'», a pour sa part affirmé Andrew Leslie, l'un des nombreux élus libéraux de la région de la capitale fédérale qui ont assisté aux funérailles.

Le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, n'a pas manqué de souligner l'ironie derrière le fait que «c'est que le champion de la langue française (qui) a modernisé la version anglaise de notre hymne national».

«Et ça dit tout de lui. Il n'y avait pas un sujet qu'il n'abordait pas d'une façon très originale et percutante. Ça va nous manquer», a-t-il affirmé avant d'entrer dans la basilique-cathédrale, qui est située dans la circonscription qu'aura représentée M. Bélanger pendant plus de deux décennies.

Les funérailles, qui étaient présidées par Mgr Daniel Berniquez, ont donné lieu à des discours de représentants de la communauté juive et musulmane, qui ont tour à tour louangé le dévouement du député.

«Mauril Bélanger a toujours marché aux côtés de la communauté juive [...] En ce jour saint du Shabbat, ce ne serait pas mon habitude de marcher de longues distances [...] Mais aujourd'hui n'est pas un jour comme tous les autres», a dit David Benlolo, chantre à la synagogue Beth Shalom West, à Ottawa.

Le député Bélanger a été porté à son dernier repos environ neuf mois après avoir appris qu'il était atteint de la SLA, une maladie dégénérative incurable. Il venait d'être réélu dans la circonscription d'Ottawa-Vanier pour la huitième fois depuis son arrivée en politique fédérale lors d'une élection partielle, en février 1995.

Les drapeaux de l'hôtel de ville d'Ottawa et l'unifolié qui flotte sur la Tour de la Paix de l'édifice central du parlement ont été mis en berne pour la journée de samedi afin de saluer sa mémoire.

Selon Madeleine Meilleur, qui représentait la circonscription d'Ottawa-Vanier à Queen's Park avant d'annoncer son retrait de la vie politique en juin, «beaucoup de projets ont été mis de l'avant» pour trouver un moyen de rendre un hommage durable à Mauril Bélanger.

«Il a laissé sa marque à l'Université d'Ottawa, il a laissé sa marque à l'hôpital Montfort, il a laissé sa marque du côté culturel, alors je pense qu'on va avoir l'embarras du choix», a-t-elle indiqué.

Le maire d'Ottawa, Jim Watson, s'est montré ouvert à l'idée, samedi. «On va discuter de ça avec les membres de sa famille, mais c'est certainement une possibilité», a-t-il dit sur le parvis de la basilique-cathédrale Notre-Dame.

Environ 1000 personnes ont assisté aux funérailles de Mauril Bélanger, samedi. Parmi eux figuraient environ le tiers des ministres du cabinet Trudeau, le chef adjoint de l'opposition officielle, Denis Lebel, et le chef du Bloc québécois, Rhéal Fortin.

La première ministre ontarienne, Kathleen Wynne, l'ancien premier ministre progressiste-conservateur Joe Clark et l'ancien chef du Parti libéral du Canada, Bob Rae, entre autres dignitaires, étaient aussi présents.