Terre-Neuve-et-Labrador vient d'essuyer un autre revers dans ses efforts pour faire modifier un accord conclu en 1969 avec Hydro-Québec sur le prix de l'électricité pour la centrale de Churchill Falls.

Dans un jugement rendu lundi, la Cour d'appel du Québec se range derrière le verdict rendu en 2014 par le tribunal de première instance et estime que la société d'État québécoise n'a aucune obligation de rouvrir l'entente conclue en 1969.

Nalcor Energy, la compagnie d'électricité terre-neuvienne, a indiqué par courriel vouloir prendre le temps d'analyser le jugement avant de décider si elle tentera de se faire entendre par la Cour suprême du Canada.

Le dossier fait l'objet de querelles judiciaires entre les deux provinces depuis des décennies et a déjà été contesté, sans succès, par Terre-Neuve-et-Labrador devant le plus haut tribunal du pays.

Nalcor Energy s'était tournée vers la Cour supérieure du Québec en 2010, plaidant la notion de «bonne foi» du Code civil du Québec après qu'Hydro-Québec eut refusé de renégocier les tarifs entourant l'achat d'électricité de Churchill Falls. À compter du 1er septembre, le contrat sera automatiquement renouvelé pour 25 ans et viendra à échéance en 2041.

En vertu de l'entente signée en 1969, la société d'État peut acheter cette électricité à bas prix avant de la revendre à un tarif plus élevé sur son marché intérieur ainsi qu'à l'exportation, ce que Terre-Neuve-et-Labrador trouve injuste.

Pour sa part, Hydro-Québec plaide depuis longtemps que l'entente était valide étant donné qu'elle avait assumé tous les coûts et les risques associés au projet au moment de la signature du contrat.

«Le jugement confirme la bonne foi d'Hydro-Québec dans les négociations et l'administration du contrat, a indiqué la société d'État dans une déclaration transmise par courriel. Hydro-Québec a par ailleurs déjà établi des contacts avec la nouvelle direction de Nalcor afin de relancer la relation d'affaires entre les parties pour le futur.»

L'appelant estimait que contexte initial du contrat a été rompu par des «événements imprévisibles» ayant transformé le marché de l'énergie, ce qui oblige Hydro-Québec à revoir les termes initiaux de l'entente afin de retrouver l'équilibre.

Or, les cinq juges de la Cour d'appel sont d'avis que Nalcor Energy tente de «redéfinir l'équilibre initial» conclu entre les parties.

«La preuve non contredite a établi que les parties savaient que la valeur de l'énergie hydroélectrique était susceptible de fluctuer et qu'elles ont volontairement convenu de prix fixes pour l'énergie», peut-on lire dans la décision de 61 pages.

La Cour d'appel estime que le principe général de «bonne foi» du Code civil n'est «d'aucun secours» à Churchill Falls, précisant que le contrat demeurait «rentable» pour la province.

L'avantage dégagé par Hydro-Québec, ajoute le tribunal, résulte de changements survenus dans le marché de l'électricité.

Selon les cinq juges, accepter la thèse de Nalcor Energy dans le contexte actuel en l'absence de difficultés financières excessives «serait admettre qu'un redressement judiciaire s'impose parce que son contrat avec (Hydro-Québec) est lésionnaire en raison d'un avantage excessif».

En 2010, la province de l'Atlantique estimait que cette entente lui avait permis d'empocher seulement 1 milliard $, comparativement à 22 milliards $ pour l'État québécois.

Même contrat, autre jugement

Par ailleurs, Hydro-Québec attend une décision de la Cour supérieure du Québec, qui devra décider si l'entreprise qui exploite la centrale de Churchill Falls contrevient à deux modalités du contrat, comme le prétend la société d'État.

Hydro-Québec conteste le fait qu'elle n'aurait droit qu'à des blocs d'énergie mensuels fixes jusqu'en 2041, ce qui nuit à sa «flexibilité opérationnelle», et souhaite que le tribunal confirme que le propriétaire de la centrale ne puisse vendre plus de 300 mégawatts à des tierces parties.