Pendant que les villes de Brossard, Laval et Québec se préparent à bannir les pitbulls, de nouvelles victimes de morsures disent qu'elles se butent toujours à l'inaction des autorités.

Depuis que La Presse a lancé le débat, au début du mois de mai, de nombreuses victimes d'attaques récentes ont communiqué avec nous - souvent photos à l'appui - pour dénoncer le fait que des chiens les ayant gravement mordues ou menacées courent toujours. Sans même avoir été évalués.

Le mois dernier, un résidant de Hudson s'est fait arracher le tiers de la main. Et un musicien de Notre-Dame-de-Grâce a perdu l'arrière du genou. Dans les deux cas, les policiers n'ont presque rien fait.

Certains citoyens n'osent plus aller à leur chalet, parce que personne ne prend au sérieux leurs plaintes relatives aux pitbulls qui rôdent sur leur terrain. Des parents se font par ailleurs un sang d'encre depuis qu'un pitbull qui grogne habite le sous-sol d'une garderie en milieu familial et se sauve à l'occasion.

« Les policiers savent très peu où s'en aller avec ça. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'idée d'adopter une loi uniforme aurait du bon », estime Caroline Kilsdonk, une vétérinaire, zoothérapeute et étudiante en bioéthique ayant participé aux travaux de la Ville de Brossard (sans toutefois prôner le bannissement des pitbulls).

VOICI QUELQUES RÉCITS TROUBLANTS

Une main charcutée

L'entrepreneur en construction Michael Friedrich, à Hudson, il y a six semaines.

« C'est arrivé dans mon jardin. Une connaissance de ma femme s'y trouvait avec son pitbull, que j'avais déjà vu deux fois sans problème. Elle avait attaché sa laisse à la patte d'une table. Quand j'ai quitté le garage pour entrer par la porte arrière de la maison, le chien a commencé à japper. Il tentait aussi de bondir vers moi et, chaque fois, la table bougeait. Il me barrait le chemin et j'avais peur que la laisse se détache, alors j'ai approché doucement la main pour qu'il la sente.

« Mais il l'a mordue très fort et j'ai dû me jeter en arrière de tout mon poids pour me déprendre. Ça a tout arraché. Un bout de muscle et un tendon sont restés dans sa gueule. Ma main ressemblait à de la viande rouge.

« Les médecins m'ont recousu. Mais puisque je travaille avec mes mains, j'ai perdu plusieurs semaines de travail. La connaissance de ma femme n'était pas assurée. Elle refuse même de mettre la muselière à son chien ou de suivre le cours d'obéissance qu'on lui avait trouvé pour éviter que le chien fasse une nouvelle victime. Alors je suis allé faire un rapport à la police. Quand je les ai recontactés vendredi, ils n'avaient toujours rien fait à ce sujet. »

Le genou arraché

Le musicien Peter Measroch, du quartier Notre-Dame-de-Grâce, il y a trois semaines.

« Je sortais d'un magasin de la rue Sherbrooke quand j'ai été propulsé vers l'avant. Un pitbull attaché devant un commerce venait de me croquer l'arrière du genou. Il était au bout de sa laisse, les pattes en l'air et la gueule ouverte. J'avais un trou dans la jambe et beaucoup de sang. La jeune femme qui l'avait avec elle était en état de choc. Elle répétait : "C'est la première fois, c'est la première fois."

« Aux urgences, ils m'ont fait 17 points de suture. Mais quand je me suis rendu au poste de police le lendemain, c'est comme s'il n'y avait pas de protocole en place. Si je m'étais fait voler mon sac dans le parc, l'agent aurait su quoi faire. Mais là, il m'a demandé ce que je voulais faire ; si je voulais que le maître reçoive une contravention, comme réticent - presque en baillant d'ennui !

« Ce que je veux surtout éviter, c'est que le chien attaque quelqu'un d'autre. C'est incroyable que personne ne prenne ça au sérieux. Ta vie est totalement bouleversée. Ça s'est infecté. Ça m'a forcé à annuler des concerts, empêché de faire du sport, a compliqué mon déménagement.

« Mais je suis chanceux dans ma malchance. Je suis sous anticoagulants. Ç'aurait été très grave si le chien avait touché un tendon, une veine ou une artère. »

Enfants menacés

Patrice Rémy, un parent de Sainte-Marie-Madeleine, inquiet depuis trois mois.

« Dans notre rue, deux maisons voisines sont occupées par des garderies en milieu familial. Notre enfant en fréquente une des deux. Le sous-sol de l'autre abrite depuis trois mois une jeune femme et son pitbull.

« Le chien s'est déjà échappé au moins une fois pour se rendre sur le terrain d'un voisin en grognant. Le voisin n'a pas réussi à l'approcher et sa propriétaire n'était pas capable de l'attraper. Il a fallu qu'un policier de la Sûreté du Québec, qui habite notre rue, l'aide.

« Les parents sont furieux, mais la jeune femme refuse de mettre une muselière à son chien parce qu'il n'est pas agressif avec elle. Elle n'est pas consciente du danger, même avec ce qui s'est passé à Pointe-aux-Trembles. Le chien a juste un an et il n'est pas castré, alors ça risque d'empirer.

« On a eu beau exercer beaucoup de pression depuis la semaine dernière, les élus sont pris avec le règlement. Ils veulent faire changer la loi, mais en attendant, c'est très long. »

Quitter sa ville

Lucie Leduc, ex-propriétaire de Mansonville

« L'automne dernier, j'étais dehors avec mon conjoint quand une voisine a échappé ses trois chiens qui nous ont encerclés en jappant comme des fous. Elle nous criait de ne pas crier après eux, de les laisser tranquilles, et moi j'ai pris une pierre pour me protéger. Je ne l'ai jamais lancée, mais elle est devenue en furie, me criant plein d'injures et de malédictions. J'avais tellement peur de marcher devant chez elle que j'ai fait une plainte à l'inspecteur de la municipalité... Je vous envoie en copie sa réponse : "S'il devait y avoir une prochaine fois, ce qui n'est pas souhaitable... veuillez me faire parvenir un rapport détaillé de l'incident. Si un incident survient après que vous ayez envoyé [aussi cet] avis écrit à [la propriétaire], me faire part du nouvel incident par écrit et le dossier sera présenté au conseil municipal pour décision. Selon mon expérience, une amende ne règle généralement pas la situation. Avez-vous pensé à lui offrir votre aide, ou d'aller discuter avec elle des horaires de chacun."

« Bref, moi la victime, je devrais plutôt aider madame à s'occuper de ses chiens. Pourtant, le règlement municipal dit qu'un propriétaire doit toujours être en contrôle de ses animaux... Je n'en revenais pas... »

Photo fournie par Michael Friedrich

Michael Friedrich affirme avoir perdu plusieurs semaines de travail après avoir été mordu par un pitbull.