La Russie a provoqué la colère des Inuits de deux pays et a suscité des inquiétudes sur la souveraineté alors qu'elle prévoit larguer une roquette contenant possiblement des substances chimiques hautement toxiques dans une importante réserve de biodiversité de l'Arctique canadien.

La roquette ne tombera pas sur un territoire inoccupé, a souligné Okalik Eegeesiak, du Conseil circumpolaire inuit. Au contraire, cet endroit est un cours d'eau essentiel pour l'approvisionnement en nourriture des communautés au Groenland et au Canada, a-t-il relevé.

Les Inuits habitent ce territoire et ils utilisent les animaux qui vivent dans ces eaux pour nourrir leur famille, a-t-il ajouté.

Les débris d'un tir de roquette russe devraient tomber dans la baie de Baffin, samedi, entre l'île d'Ellesmere et le Groenland. Il s'agit d'un secteur en dehors des eaux territoriales canadiennes, mais faisant partie d'une zone économique en partie sous le contrôle du Canada.

Les Inuits de près d'une douzaine de communautés parcourent ces territoires et y chassent massivement. Cette zone est située dans la polynie des eaux du Nord, une grande partie de l'océan qui est généralement libre de glace à longueur d'année et qui abrite l'un des écosystèmes les plus riches au nord du cercle polaire.

Les communautés chassent notamment les bélugas, les phoques, les poissons et les oiseaux, selon M. Eegeesiak.

La région est si importante que les Inuits du Canada et du Groenland ont formé un comité pour discuter de la gestion du territoire. Le plan de la Russie fait fi de ces intérêts, a déploré M. Eegeesiak.

«Le fait qu'il n'y ait pas de gens là-bas ne signifie pas que le territoire est inoccupé. Les Inuits dépendent de cette région», a-t-il soutenu.

Le comité s'apprête d'ailleurs à contester formellement les démarches de la Russie.

Un porte-parole de l'ambassade russe a dit que tout le carburant devrait avoir été brûlé avant que les débris n'atteignent le sol.

Or, des documents publiés par des experts du programme spatial russe suggèrent qu'il serait normal qu'environ 10 pour cent du carburant n'ait pas été brûlé.

Gary Stern, un spécialiste des contaminants dans l'Arctique de l'Université du Manitoba, a indiqué que l'hydrazine possiblement contenue dans le missile était hautement toxique et que la substance était reconnue pour être persistante dans l'eau.

Le combustible se dégrade toutefois rapidement et il n'affectera pas les animaux en haut de la chaîne alimentaire, alors les effets de cette seule roquette seront modestes, selon M. Stern. Mais il ne s'agit tout de même pas d'une bonne idée, a-t-il nuancé.

«C'est une région très productive. On ne veut pas qu'il se passe quelque chose là-bas. (Les Russes) ne devraient faire cela en aucun cas, mais en particulier, ils ne devraient pas le faire sur les territoires des autres pays», a-t-il conclu.