«Je veux juste rentrer chez moi», lâche Alan Javierto, assis sur le bord du coffre de son pickup en grattant sa guitare, la seule chose qu'il a pu attraper avant d'évacuer Fort McMurray en toute urgence alors que les flammes s'approchaient dangereusement.

«Bientôt j'espère! Probablement que cela prendra des semaines, peut être même plus», assure l'homme qui comme près de 100 000 personnes a fui les incendies qui ravagent depuis trois jours toute la région de Fort McMurray, ville pétrolière à 400 km au nord d'Edmonton, la capitale de l'Alberta.

«Je n'ai jamais rien vu de pareil sauf peut-être au cinéma».

Quand l'ordre d'évacuation est tombé, «je traînais avec ce gars», dit-il en pointant son copain Victor Pastoporin assis à côté de lui en face du centre de réfugiés de Lac La Biche, à 300 km au sud de Fort McMurray, où l'AFP les a rencontrés.

«C'était une belle journée, un jour parfait, mais tout à coup c'est devenu de plus en plus sombre et de plus en plus chaud», raconte Alan Javierto en se souvenant des épaisses fumées qui ont commencé à envahir Fort McMurray lundi après-midi quand beaucoup d'habitants pensaient encore que les feux s'éloigneraient de la ville pour se cantonner à la forêt boréale.

Si certains ont pu prendre le nécessaire, passeport et papiers personnels ou quelques vêtements --conformément aux instructions de la mairie dans ses bulletins d'alerte--, d'autres, pris par surprise, ont fui avec juste ce qu'ils avaient sur le dos.

«Il n'y a pas de mode d'emploi pour échapper aux feux de forêt», souligne Alan Javierto.

Un autre évacué non loin de la camionnette d'Alan raconte qu'il était assis sur sa terrasse en train de regarder des broussailles brûler quand, en une fraction de seconde, la forêt s'est embrasée.

La dernière image qu'Alan Javierto garde en tête avant de s'échapper est la maison en feu de son copain.

«Mais nous sommes là, c'est ce qui compte, et nous jouons de la musique».

«Un toit au-dessus de la tête»

Une femme prénommée Carla, qui a passé la nuit dans sa voiture dans le stationnement de l'école secondaire de Lac La Biche, a mis des heures à pouvoir entrer en contact avec ses enfants et ses amis, soulagée qu'ils soient sains et saufs.

Retenant ses larmes, elle se demande ce qui est advenu de sa maison: «Il n'y a plus rien là-bas, tant de maisons ont été détruites». Elle veut maintenant partir vers l'Est, peut-être en Ontario ou à Terre-Neuve-et-Labrador où elle a de la famille.

D'autres évacués n'ont pas vraiment idée de ce qu'il va advenir maintenant, comme pour Karla Buffalo qui en est à sa troisième évacuation depuis lundi.

Avec ses chiens Daisy et Tulipe, elle tentait comme des centaines d'automobilistes de rouler vers le sud pour rejoindre Edmonton, quand un mur de feu s'est dressé les obligeant à faire demi-tour.

Elle a été dirigée vers Anzac avant que cette bourgade à 35 km au sud-est de Fort McMurray soit à son tour placée sous un avis d'évacuation mercredi soir tant la situation devenait dangereuse, obligeant même le centre de coordination des secours à se replier plus loin.

Le centre de loisirs de Lac La Biche est maintenant occupé par des centaines d'évacués et de volontaires qui distribuent des vêtements, de la nourriture ou des produits de première nécessité.

Un chenil de fortune a même été aménagé pour les chiens de Karla Buffalo qui n'a jamais vu des opérations d'évacuation de cette ampleur même si elle a déjà dû composer avec les incendies par le passé.

«Je ne peux pas me plaindre, j'ai un toit au-dessus de la tête, chacun est nourri et les gens sont incroyables avec nous et tellement généreux», conclut-elle.