Une trentaine de jeunes contrevenants hébergés en garde fermée au Centre jeunesse Cité des Prairies dévoilent sans censure leur difficile trajectoire de vie dans le recueil littéraire Parcours Chacun son temps. Le lancement de ce livre avait lieu ce matin dans les locaux du Centre jeunesse de Montréal.

« Ce recueil a été fait par des jeunes qui ont commis des délits et qui expriment leur vécu avec une véracité désarmante, a indiqué René-André Brisebois, intervenant au Centre jeunesse de Montréal. C'est le premier ouvrage du genre qui donne la parole à ces jeunes qu'on écoute rarement, qu'on juge rapidement. On a un accès privilégié à leur trajectoire de vie, à leurs croyances, à leurs valeurs. Ça permet de mieux comprendre cette clientèle. » La compréhension est la base de l'intervention, souligne-t-il.

Le livre d'une centaine de pages, qui regroupe des poèmes, des chansons et des témoignages, sera distribué aux intervenants et aux policiers qui côtoient les jeunes vivant dans les quartiers les plus défavorisés de Montréal. On souhaite sensibiliser ces intervenants à leur vécu teinté de pauvreté, de racisme et de violence. « Plusieurs gars dévoilent dans ces pages des traumatismes qu'ils ont vécus, certains ont été témoins de décès dès leur jeune âge. Ce sont des pistes à explorer par les intervenants, ça ouvre la porte à la réflexion », a dit M. Brisebois.

Le projet du Collectif Porte-Voix, porté par Funambules Médias, a pris naissance en 2012 au sein d'un atelier de création présenté à Cité des Prairies. Jusqu'à 33 jeunes sur un total de 72 résidents ont joint le groupe sur une base volontaire. « L'atelier hebdomadaire se voulait un espace de réflexion non hiérarchique, indique Émily Laliberté, coordonnatrice du projet. L'idée du livre est venue de la volonté des gars de s'exprimer librement. On a réalisé qu'ils avaient énormément de choses à dire. » Pendant un an, le groupe a travaillé à la publication de ce recueil.

Carl, 19 ans, a séjourné 18 mois en garde fermée à Cité des Prairies pour trafic de drogues. Il s'est beaucoup investi dans le projet. « Au début, c'était surtout pour quitter l'unité, me changer les idées et passer le temps, confie-t-il. Mais peu à peu, je suis devenu vraiment intéressé. J'aime ça écrire. Je suis renfermé, donc ça m'a donné l'occasion de parler de choses que je gardais pour moi, de thèmes interdits dans les unités. Ça m'a aussi aidé à contrôler mes émotions. Certaines discussions auraient mené à des conflits en unité, mais pas en activité. J'ai commencé à voir les choses autrement. » Carl a quitté le centre depuis. Il fait maintenant ses études secondaires et prévoit faire des études collégiales en design de mode.

« Je me souhaite un bon futur », dit-il.

« Ces gars ne se limitent pas à leurs délits, ils sont des êtres complexes et complets, dit Mme Laliberté. En partageant leur vécu avec les autres participants, ils ont réalisé qu'ils n'étaient pas seuls à vivre des difficultés. Ils ont compris qu'il y avait des causes systémiques derrière leurs expériences. Est-ce que ça les a changés? Je n'ai pas cette prétention. Mais en sachant que leur parole est entendue, ça peut en faire des citoyens plus engagés. »