Ce sont les petites choses qui provoquent parfois les plus grandes réactions.

Pour Michèle Poitras, c'est une lettre de son fournisseur internet Xplornet, arrivée le 19 janvier par courriel, qui a été la lettre de trop.

Dans la missive, le vice-président Chris Johnston explique à ses abonnés que l'entreprise doit augmenter les frais de 4 $ par mois.

Mme Poitras l'a pris comme une insulte personnelle.

« Je paie une fortune pour mes communications, et là ils me demandent 48 $ de plus par année, plus les taxes, pour le même mauvais service qu'avant ? J'ai dit non. Je n'accepterai pas ça », raconte Michèle Poitras.

Mme Poitras vit un problème partagé par quantité de Québécois : elle est incapable d'avoir un accès raisonnable aux services de télécommunication de base sans payer des centaines de dollars tous les mois.

Ses services de télécommunication lui coûtent près de 230 $ mensuellement, une somme suffisante, en théorie, pour couvrir les frais de location d'une voiture neuve. Et les services auxquels elle est abonnée ne sont pas exotiques, dit-elle. « Je n'ai même pas de textos sur mon cellulaire. »

Comédienne et relationniste de presse, Mme Poitras paie près de 90 $ par mois pour avoir la télé par satellite Shaw Direct. Un service qui fonctionne mal lorsqu'il neige, mais avec lequel elle doit composer puisque les fournisseurs comme Vidéotron ou Bell n'offrent pas de lignes terrestres dans son quartier, à La Présentation, près de Saint-Hyacinthe, à 50 kilomètres de Montréal.

Elle doit avoir une deuxième soucoupe satellite pour l'internet. Xplornet lui facture 63 $ par mois, et la vitesse de téléchargement - 1,5 mégabit par seconde - ne permet pas de regarder une vidéo sur YouTube ou d'utiliser Skype ou FaceTime. « Même envoyer une photo par courriel est laborieux. »

Sa ligne de téléphone coûte cher. « Téléphoner à 4 kilomètres de chez moi est une communication longue distance, facturée en plus. »

Il y a quelques années, un voyage aux îles Turks et Caicos lui a fait réaliser à quel point sa situation était absurde.

« J'étais au milieu de l'océan Atlantique et j'avais une connexion internet meilleure que chez moi. Qu'est-ce qui se passe au Québec ? Pourquoi on est différent ? », s'étonne-t-elle.

OpenMedia, un organisme indépendant, note que le Canada était en tête des pays développés il y a 15 ans pour ce qui est de l'accessibilité à l'internet à coût raisonnable. Depuis, le pays a dégringolé, et ses citoyens paient plus cher que les autres pour des services de qualité variable. « Le Canada est à la traîne », conclut Josh Tabish, directeur d'OpenMedia, selon qui Ottawa n'a pas poussé les entreprises à innover sur ce plan, contrairement à ce qui s'est fait dans plusieurs pays.

Le CRTC se dit impuissant



Mme Poitras a appelé et écrit au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). On lui a répondu qu'on ne pouvait rien faire pour elle.

C'est qu'aux yeux du CRTC, les problèmes que vivent les gens comme Mme Poitras n'existent pas. Dans ses documents, le CRTC explique : 

« Dans la plupart des régions du Canada, il y a suffisamment d'entreprises pour garantir une concurrence [...] des prix. Le CRTC ne réglemente ni les prix ni la façon dont les services Internet sont facturés. »

Pour ce qui est des prix de la téléphonie, le CRTC affirme : « Le CRTC n'intervient pas dans les tarifs de détail de la plupart des services de communication. »

Laissée à elle-même, Mme Poitras n'a d'autre choix que de talonner ses fournisseurs. Après s'être plainte à répétition à Xplornet, elle vient d'obtenir une plus grande vitesse de téléchargement. Même chose avec Shaw Direct, qui lui donne un peu plus de services... moyennant une augmentation de son tarif mensuel.

« Des entreprises comme Hydro-Québec doivent fournir le même service à prix égal pour tous les clients, dit Mme Poitras. On est en 2016. Ça devrait être la même chose avec les fournisseurs d'internet et de téléphonie. »