Insalubrité, cellules surchargées, caméras qui filment les détenus aux toilettes, les Inuits incarcérés au Québec subissent des conditions dignes du tiers monde, a dénoncé jeudi la Protectrice du citoyen, Raymonde St-Germain.

Dans un rapport dévastateur sur le système carcéral au Nunavik, Mme St-Germain dénonce non seulement les conditions de détention des Inuits, mais aussi l'indifférence du gouvernement du Québec face à cette situation qui perdure depuis des années.

En conférence de presse, Mme Saint-Germain a affirmé avoir visité plusieurs prisons en Afrique, et d'y avoir trouvé des conditions semblables à celles qui perdurent au Nunavik - au vu et au su du gouvernement.

«Le tiers monde, ce n'est pas si loin», a dénoncé la protectrice.

Dans certains établissements du Nord québécois, on entasse jusqu'à sept détenus dans une cellule de deux personnes. Les liens sont insalubres, l'accès à l'eau est limité. Les prisonniers sont filmés alors qu'ils vont aux toilettes, une violation flagrante de leur droit à la dignité, s'insurge Mme Saint-Germain.

Dans certains villages, les détenus sont confinés à leur cellule 24 heures sur 24, «une situation unique au Québec qui contrevient aux normes minimales», peut-on lire dans le rapport.

Mme Saint-Germain conclut que les Inuits sont traités différemment des autres Québécois dans le système carcéral. Une situation qui a été banalisée pendant des années par le gouvernement, qu'elle qualifie de «laxiste».

«On ne peut pas avoir différents niveaux de services publics, des services publics à deux vitesses selon là où sont les citoyens, selon leur éloignement, a-t-elle dénoncé. Il n'y a pas de commodité administrative qui justifie le manque de respect des citoyens et de leurs droits.»

Enquête élargie

Les constats des enquêteurs sur les conditions de détention des Inuits étaient si troublants que la protectrice a décidé d'élargir son enquête. Elle s'est donc penchée sur la prévention de la criminalité et l'administration de la Justice dans le Nord québécois.

Encore là, les constats sont troublants. Les ressources dédiées à la prévention de la criminalité - notamment le traitement de la toxicomanie et de l'alcoolisme - sont insuffisantes, dit Mme Saint-Germain.

Des accusés sont ballotés entre le Nord québécois et le Sud entre le moment de leur arrestation et leur procès. Un transport qui dure parfois des jours et qui allonge la durée d'incarcération préventive.

Les prévenus comprennent mal les accusations qui pèsent contre eux, puisque les actes d'accusation ne sont pas rédigés en Inuktitut.

Tout cela nuit aux efforts de réinsertion sociale, un phénomène qui vient à son tour alimenter les problèmes des prisons, dénonce Mme Saint-Germain.

Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a ignoré les questions sur le rapport de Mme Saint-Germain jeudi matin.