La juge en chef de la Cour suprême du Canada soutient que les juges ne doivent pas être considérés comme n'étant pas redevables parce qu'ils sont nommés par le gouvernement.

Beverley McLachlin a déclaré jeudi, lors d'une rencontre de l'Association du Barreau canadien (ABC) à Calgary, qu'une telle accusation n'était pas fondée.

Selon elle, il y a de nombreux mécanismes en place visant à assurer que les juges demeurent entièrement équitables et impartiaux.

«Nous entendons parfois que le judiciaire n'est pas redevable parce que les juges sont nommés et parce qu'ils peuvent demeurer en poste jusqu'à l'âge de 75 ans», a dit Mme McLachlin.

«Je crois que cette préoccupation n'a pas de raison d'être. Les juges sont redevables envers les citoyens tous les jours lorsqu'ils remplissent leurs fonctions.»

Cette redevabilité est assurée par le fait que le public peut assister aux audiences de la plus haute cour du pays, consulter les décisions motivées qu'elle rend et suivre le processus d'appel, soutient-elle.

Mme McLachlin a aussi dit que les juges doivent être vus comme impartiaux, mais que cela ne veut pas dire qu'ils doivent écarter ou ignorer leurs expériences personnelles.

«Avoir des juges sur le banc avec diverses expériences de vie et des visions différentes est une force», a-t-elle affirmé.

La juge en chef a évité les questions en lien avec la campagne électorale fédérale en cours, mais a commenté la dernière nomination à la Cour suprême faite par le premier ministre Stephen Harper.

Le juge Russell Brown, de la Cour d'appel de l'Alberta, a accédé au banc le mois dernier.

Avant d'être juge, M. Brown était professeur de droit et il bloguait fréquemment sur le site web de l'Université de l'Alberta entre 2007 et 2012. Dans l'un de ses écrits, il a décrit le chef libéral Justin Trudeau comme étant «incroyablement mauvais» et a qualifié l'ABC d'organisation de gauche et anticonservatrice. Il a aussi laissé entendre que la juge en chef partageait le penchant de cette organisation.

«Je crois que le public canadien comprend que des avocats et des juges intelligents et engagés réfléchissent à des problèmes, et peuvent les exprimer à l'occasion, surtout dans des rôles antérieurs», a fait valoir Mme McLachlin.

«Le juge Brown (...) était un professeur et un des rôles d'un professeur est d'être engagé dans un débat vigoureux sur des problèmes juridiques et sur le fonctionnement des tribunaux», a affirmé Mme McLachlin.

«Il n'est pas surprenant que quelqu'un qui est engagé et potentiellement sur le banc ait tenu de tels propos et je n'ai aucune préoccupation à ce sujet.»

Elle a aussi dit aux journalistes que des efforts devraient être faits pour réduire les coûts et les délais pour l'accès aux tribunaux canadiens. Elle a déjà déclaré dans le passé que le système judiciaire risquait de perdre la confiance du public à moins que les barrières bloquant l'accès aux tribunaux ne soient abaissées.

Questionnée sur le bilinguisme des juges de la Cour suprême, Mme McLachlin s'est dite «confiante que nous fonctionnons très bien dans les deux langues».

La plupart des juges sont bilingues, a-t-elle souligné, et pour les autres, un système de soutien et de traducteurs est en place.

La situation ne se dégrade pas, a assuré la juge en chef, en référence aux habiletés linguistiques des membres de la cour.

«La situation est stable, et peut-être s'améliore», a-t-elle estimé. «Et nous sommes dévoués à maintenir cette situation.»

Lors de chaque nomination faite par le premier ministre, le débat est ravivé sur la nécessité d'avoir des juges bilingues à la Cour suprême. Les conservateurs jugent que le bilinguisme est idéal mais non exigé, alors que le Nouveau Parti démocratique et le Parti libéral du Canada en feraient une condition.