Les vibrateurs, les huiles de massage et les livres coquins ne sont pas des produits «hygiéniques ou sanitaires», vient de conclure un juge, refusant ainsi que trois boutiques érotiques - dont «la plus grosse au Canada» - puissent calquer leurs heures d'ouverture sur celles des pharmacies.

Les commerces - situés à Montréal et Laval - ont déjà accumulé 240 amendes totalisant un demi-million de dollars depuis 2009 pour avoir ouvert leurs portes après 21h la semaine et 17h la fin de semaine, selon leur propriétaire.

Claude Perron a fait valoir devant le tribunal que ses produits érotiques «sont des produits améliorant la santé sexuelle, soit le mieux-être sexuel et la satisfaction sexuelle, et qu'ils aident ainsi à favoriser la santé en général». Sa Boutique Séduction et ses Boutiques Romance devraient donc, selon lui, profiter de la même exception que les pharmacies.

La Cour supérieure vient de lui donner tort. Dans son jugement, elle lui «ordonne» de «cesser d'admettre le public en dehors des heures d'admission prévues» par la loi, ainsi que le demandait le gouvernement du Québec.

En entrevue avec La Presse, Claude Perron s'est désolé du jugement, ajoutant qu'il réalise une bonne partie de son chiffre d'affaires après les heures d'ouverture prescrites par la loi. Il a déclaré que «l'érotisme, ça se consomme - en général - davantage le soir». C'est pour cela que ses commerces demeuraient ouverts tard, «contrairement à Home Depot, qui vend plus de marchandises le matin». Il jure toutefois s'être plié à l'injonction prononcée par la Cour et avoir fermé ses boutiques aux heures prescrites.

Auparavant, ses magasins fermaient depuis 1992 à des heures variables pouvant atteindre minuit certaines fins de semaine. Ce n'est qu'en 2009 que les amendes ont commencé à pleuvoir.

Au ministère de la Justice, qui a demandé l'injonction contre les boutiques, on s'est abstenu de tout commentaire, mardi. Le porte-parole Paul-Jean Charest a expliqué que les avocats étaient toujours en attente d'une autre décision dans le même dossier, soit la contestation d'un constat d'infraction par M. Perron.

Du côté du Développement économique, chargé de faire appliquer la loi sur les heures d'ouverture, on s'est dit «satisfait» que l'injonction ait été accordée. La décision «met fin à une situation de concurrence inéquitable envers les autres commerces de détail de ce secteur», a indiqué le porte-parole Jean-Pierre D'Auteuil dans un courriel.

Favoriser la «santé sexuelle»

Devant le tribunal, M. Perron avait fait appel à un expert en sexologie. Celui-ci a affirmé que tout produit «pouvant augmenter l'excitation sexuelle, le désir sexuel, la satisfaction sexuelle ou pouvant réduire l'anxiété sexuelle, souvent la source de difficultés sexuelles, doit être considéré comme des produits sanitaires puisqu'ils favorisent la santé sexuelle».

Au contraire, Québec plaidait que les jouets érotiques et autres tenues affriolantes n'avaient pas de liens directs avec la santé. Le gouvernement a fait comparaître un autre sexologue venu affirmer que «la notion de produits hygiéniques et sanitaires renvoie nettement plus à la propreté, à la santé générale d'une personne et à la santé publique» qu'à la sexualité.

Le juge Louis Gouin lui a donné raison. «Beaucoup de produits peuvent avoir une influence positive sur la santé. Il suffit de penser aux articles de sport, à la musique d'ambiance, à la lecture, etc.», a-t-il écrit, concluant qu'on ne pouvait faire une exception pour tous les commerces vendant ces articles.

L'exception accordée aux pharmacies sert à protéger la population, a ajouté le juge Gouin. Or, les produits érotiques «ne nécessit[ent] aucunement d'y avoir accès pour une utilisation urgente, à la toute dernière minute», a-t-il écrit. «Il y a tout lieu de croire que les personnes intéressées par les accessoires et les instruments ont prévu le coup, sinon ils devraient commencer à y penser sérieusement.»