Altercations, intimidation, insultes, entraves, menaces... Six ans après l'opération SharQc, qui a mené derrière les barreaux la quasi-totalité des membres des Hells Angels québécois, un regain de tension est palpable entre les motards criminels et les forces de l'ordre au Québec, a constaté La Presse. La police n'entend pas à rire.

Depuis le début de juin, au Québec et à Ottawa, au moins quatre incidents ont éclaté entre, d'une part, des membres des Hells Angels québécois et des clubs qui les secondent et, d'autre part, les policiers, au point que la Sûreté du Québec sent le besoin d'envoyer un message.

«Chaque fois qu'il y aura de l'intimidation contre les policiers, il y aura une réponse. Ce sera tolérance zéro. Nous n'hésiterons pas à procéder à des arrestations et à recommander des accusations», prévient l'inspecteur-chef Patrick Bélanger, directeur du renseignement et de la sécurité intérieure à la Sûreté du Québec (SQ).

Le 13 juin, deux membres des Red Devils, principal club à soutenir des Hells Angels, Gianni Pellizzari, 44 ans, et Jocelyn Beauregard, 41 ans, ont été impliqués dans une altercation avec des policiers de Sherbrooke. Ils ont été accusés d'entrave.

À la fin de juin, à Ottawa, un membre en règle des Nomads de l'Ontario, Carlos Fernandez, et un membre des Red Devils, Yves Forget, ont été vigoureusement expulsés d'un chapiteau extérieur où se donnait un spectacle de musique, à la suite d'un accrochage avec des policiers ontariens.

Mardi, un individu que la police considère comme proche des motards, Éric Robidoux, 33 ans, a comparu pour une affaire de voies de fait contre un policier de Granby survenue dans un bar de cette ville au début du mois présent, alors que l'agent n'était pas en fonction.

«Ce que l'on constate, c'est qu'il y a une nouvelle génération de motards qui n'a peut-être pas compris comment ça fonctionnait. Même si on ne se donne pas la main, nous n'avons, en général, pas de problèmes avec les membres en règle. Mais il y a divers incidents rapportés par nos patrouilleurs selon lesquels la limite de l'intimidation est toujours repoussée. Certains de ces événements sont à l'étude et des accusations pourraient être portées», affirme l'inspecteur-chef Bélanger.

Un jugement sur téléphone

Les procédures toujours en cours dans le superprocès SharQc ont également des échos dans les relations motards-policiers sur le terrain.

Dernièrement, le juge James L. Brunton de la Cour supérieure aurait rendu un jugement écartant la preuve des vidéos de renseignement filmées par les policiers à l'époque de la guerre des motards.

Il y a quelques semaines, lors d'un événement auquel ont pris part des motards dans un restaurant connu de la Rive-Sud de Montréal, un membre des Hells Angels a brandi devant un enquêteur du renseignement de la SQ son téléphone intelligent sur lequel apparaissait la décision du magistrat en format PDF et lui a lancé que les policiers n'avaient pas le droit de les filmer ou de les photographier.

Selon la Sûreté du Québec, les Hells Angels ne font pas nécessairement preuve de plus d'arrogance depuis que certains d'entre eux ont plaidé coupable et sont sortis de prison, après avoir purgé leur peine, à la suite de l'opération SharQc. En revanche, ils sont plus nombreux sur le terrain, donc plus visibles.

Malgré quelques événements violents impliquant des individus liés aux motards répertoriés ces derniers mois, la police ne conclut pas nécessairement à la volonté de certains membres de reprendre un territoire qu'ils n'ont de toute façon probablement pas perdu, malgré leur longue détention.

La Sûreté du Québec entend toutefois suivre les choses de près pour voir comment la situation va évoluer dans les prochains mois.

Des ramifications partout au Québec

Les Hells Angels trouvent des appuis au sein de plusieurs clubs de motards québécois, à commencer par les Red Devils, leur supporter officiel. Les Devils Ghosts, les Dark Souls et une quinzaine d'autres organisations affichent elles aussi leur allégeance. Portrait de famille.

HELLS ANGELS

SECTION DE MONTRÉAL

Compte actuellement une quinzaine de membres en règle actifs et un «prospect» qui n'est soumis à aucune condition judiciaire. Les quatre autres sections québécoises - Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke et South - sont toujours inactives, même si certains de leurs membres en règle sont eux aussi en liberté, sans être soumis à des conditions. Selon la police, les Hells Angels et leurs alliés ne possèdent actuellement aucun local officiel, ayant été évincés des locaux qu'ils occupaient à Chambly et Delson.

RED DEVILS

SECTION OTTAWA EAST

SECTION OTTAWA NORTH

SECTION DE MONTRÉAL

Club supporter officiel des Hells Angels présent partout dans le monde

Les trois sections composées de motards québécois comptent une trentaine de membres, dont plusieurs ont été repêchés parmi les membres les plus influents des autres clubs de motards supporters au Québec.

Les Red Devils sont constamment dans l'entourage des Hells Angels et très présents dans les débits de boissons de la région de Montréal et ailleurs.

DEVILS GHOSTS

QUATRE SECTIONS À SHERBROOKE, SAGUENAY, MONTRÉAL ET RIVE NORD DE MONTRÉAL



Fréquemment observés par les policiers lors d'événements auxquels participent les Hells Angels.Les enquêteurs de la région Ouest du SPVM ont investi leur local de l'ouest de l'île de Montréal en mars dernier et démantelé un réseau de trafic de stupéfiants.



DARK SOULS



DEUX SECTIONS, L'UNE À QUÉBEC, L'AUTRE À MONTRÉAL

Un des premiers clubs de motards à s'afficher ouvertement en faveur des Hells Angels depuis la disparition des anciens clubs-écoles au début des années 2000.

Deux de ses anciens membres avaient été arrêtés pour trafic de cocaïne en République dominicaine. Aujourd'hui, ces deux individus sont membres des Red Devils.

DEATH MESSENGERS

TROIS SECTIONS À RIMOUSKI ET DANS LES COURONNES SUD ET NORD DE MONTRÉAL

DEIMOS CREW

UNE SECTION À L'EST DE BERTHIERVILLE

BEAST CREW RICHELIEU

UNE SECTION À SOREL

REBEL RIDERS

UNE SECTION DANS LANAUDIÈRE

BLACK EVILS

UNE SECTION À LAVAL

Selon nos sources, des membres de ce groupe relativement récent auraient fréquenté le bar Le Repaire, qui a fait l'objet d'une perquisition lors du démantèlement d'un réseau de trafic de stupéfiants par la police de Laval le mois dernier.

LUCKY RIDERS

UNE SECTION À CHARLEMAGNE

DEVILS RIDERS

UNE SECTION À SABREVOIS

IRON BEAST

UNE SECTION DANS LE BAS-SAINT-LAURENT

PATRIOTS RIDERS

DEUX SECTIONS, L'UNE À GATINEAU ET L'AUTRE DANS LA COURONNE NORD DE MONTRÉAL

STREET DEMONS

UNE SECTION DANS LANAUDIÈRE

ARCHANGES

UNE SECTION DANS LANAUDIÈRE

NAÏWA REBELS

QUATRE SECTIONS, À MONTRÉAL, EN BEAUCE, À LANAUDIÈRE ET À SAINT-JEAN-SUR-RICHELIEU

GROUPES DE MOTARDS INDÉPENDANTS

BROTHERHOOD

Même s'ils fréquentent régulièrement les Hells Angels dans des événements, les Brotherhood ne s'affichent pas comme supporters du groupe de motards criminels, et la Sûreté du Québec ne les considère pas comme tels.

Un de leurs fondateurs serait un ancien membre des Popeye.

Ils ont déjà compté une dizaine de sections au Québec.

ROCK MACHINE

Les ennemis jurés des Hells Angels lors de la guerre des motards sont aux prises avec des querelles intestines. Certains individus qui ont quitté leurs rangs ou qui ont été expulsés ont créé une nouvelle entité: la 13ème légion.

Les Rock Machine sont indépendants des Hells Angels mais ne sont pas en conflit avec ces derniers.

Leur président national, Jean-François Émard, est actuellement en prison pour une affaire de possession de stupéfiants.

GROUPES SANS STATUT

Il existe d'autres groupes de motards au Québec, mais la SQ ne les considère pas comme des supporters ou possède trop peu d'éléments sur eux pour leur attribuer un statut. Des groupes autrefois considérés comme sympathisants des Hells Angels ont disparus ces derniers temps. Certains sont actifs, mais uniquement sur les réseaux sociaux. La populaire émission Sons of Anarchy a également provoqué l'apparition de nouveaux groupes, dont certains ont disparus rapidement, parfois après quelques semaines d'existence.

Photo La Presse