Les Forces armées canadiennes (FAC) mettront sur pied un centre indépendant pour gérer les cas d'inconduite sexuelle, promet le ministre de la Défense, Jason Kenney.

L'opposition a demandé des comptes, mercredi, après qu'il eut été révélé que le chef d'état-major des FAC, le général Tom Lawson, avait transmis une directive laissant entendre qu'il comptait ignorer cette recommandation-clé du rapport sur l'inconduite sexuelle.

Lorsque le porte-parole néo-démocrate en matière de défense, Jack Harris, a demandé en Chambre à M. Kenney s'il pouvait garantir qu'un centre indépendant serait créé, ce dernier s'est levé, a simplement répondu «oui», puis s'est rassis.

Un peu plus tard, à sa sortie d'un comité parlementaire, le ministre de la Défense a assuré qu'il avait toujours été clair dans son esprit - et dans celui de l'armée - que l'on se dirigeait vers la création d'un tel centre.

«C'est la raison pour laquelle le chef d'état-major de la défense a confié en février au major général Christine Whitecross le mandat de s'attaquer à ce dossier, pour éviter d'avoir à attendre le dépôt du rapport», a-t-il plaidé en point de presse.

C'est précisément en février que le général Lawson écrivait à 21 hauts gradés que les «autorités judiciaires actuellement responsables des enquêtes sur les inconduites sexuelles resteront inchangées», selon un document obtenu par la CBC.

Les FAC avaient alors entre les mains une version préliminaire du rapport sur l'inconduite sexuelle qui avait été commandé à l'ancienne juge de la Cour suprême du Canada, Marie Deschamps.

Mais il ne s'agissait pas là d'une directive contraignante, s'est défendu le numéro un des FAC par voie de communiqué, mercredi.

«Ces hypothèses de planification ne devraient aucunement être perçues comme des contraintes qui lui sont imposées ou des ordres lui imposant d'ignorer les recommandations contenues dans le rapport final. Une telle supposition est tout simplement fausse», a déclaré le général Lawson.

Dans la version finale d'un rapport accablant qui concluait à l'existence d'une «culture de sexualisation» qui est «hostile» aux femmes et aux minorités sexuelles, la juge à la retraite avait formulé dix recommandations.

Lorsque le document a été rendu public, le 30 avril dernier, l'armée a accepté deux recommandations sans réserve.

Les huit autres - dont la création centre libre de toute influence de la part de la chaîne de commandement - avaient été acceptées «en principe».

Et même si Mme Deschamps avait plaidé avec insistance en conférence de presse que cette recommandation était «essentielle», le général Lawson n'avait pas voulu s'engager formellement à aller dans cette direction.

Le ministre Kenney a refusé de dire ce qui a bien pu se passer entre ce moment et celui où il s'est levé de son siège aux Communes pour répondre «oui» à la question du député Jack Harris.

Ce dernier estime qu'il était tout simplement devenu nécessaire pour le gouvernement de corriger le tir en raison de la grogne populaire.

«Je pense que la population a constaté les réticences de l'armée à faire un examen de conscience et à s'engager à mettre des changements de l'avant», a-t-il suggéré en point de presse mercredi, en fin de journée.

M. Harris a tenu à préciser qu'il ne tenait rien pour acquis, malgré l'engagement formulé mercredi par le ministre de la Défense.

Celui-ci n'a pas voulu spéculer sur le temps que la création d'une nouvelle entité indépendante pourrait prendre.

Il a cependant affirmé que cela ne passerait pas forcément par des modifications législatives: «Ce n'est pas une question politique. C'est une question pour les Forces armées canadiennes», a dit M. Kenney.

Les parlementaires seront toutefois bientôt invités à légiférer pour renforcer la protection des victimes qui sont membres des Forces armées, a révélé de manière tout aussi inopinée le ministre de la Défense - lors d'un témoignage devant un comité parlementaire, cette fois.

«Je suis heureux d'annoncer que le gouvernement a l'intention de déposer un projet de loi pour modifier la Loi sur la Défense nationale», a lâché Jason Kenney, précisant que cette pièce législative s'apparenterait à la Loi sur la Charte des droits des victimes récemment adoptée.

«Nous le ferons, j'en suis certain, avant la fin de la session», a-t-il spécifié.

Le rapport Deschamps a été commandé après que le magazine L'actualité eut publié des reportages explosifs qui concluaient que les cas d'agressions sexuelles dans l'armée atteignaient aujourd'hui une fréquence sans précédent.

Il souligne à gros traits à quel point l'armée a échoué à protéger ses propres membres en tolérant une «culture sous-jacente de la sexualisation».