Alors que le gouvernement multiplie les compressions, les dépenses des villes québécoises ont continué à connaître de fortes augmentations, comme en témoigne le 3e Palmarès des municipalités publié aujourd'hui. Le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, les invite d'ailleurs à mieux contrôler leurs finances en révisant l'ensemble de leurs services. Et les petites municipalités où les dépenses explosent devraient envisager de regrouper leurs services ou carrément fusionner.

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Les dépenses des villes ont augmenté deux fois plus rapidement que l'inflation de 2009 à 2013, surpassant même la croissance observée dans le secteur de la santé, selon le plus récent Palmarès des municipalités. Estimant que les municipalités n'en ont pas encore fait suffisamment pour contrôler leurs dépenses, le ministre Pierre Moreau les invite à imiter le gouvernement et à revoir l'ensemble de leurs activités.

La troisième mouture du Palmarès des municipalités préparée par le Centre sur la productivité et la prospérité HEC permet de suivre l'évolution de la performance des administrations municipales sur 5 ans, soit de 2009 à 2013. Les dépenses des villes, qui s'établissent désormais à 1951 $ en moyenne par habitant, ont ainsi affiché une croissance de 17,8 % sur 5 ans, soit de 4,2 % par année en moyenne.

« Ça dépasse tout ce qu'on connaît : ça dépasse l'inflation, ça dépasse l'augmentation des dépenses du gouvernement du Québec, ça dépasse même la santé. C'est quand même spécial que les dépenses pour ramasser les poubelles et déneiger les rues augmentent plus vite que celles dans les hôpitaux », s'étonne Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité HEC.

L'inflation a en effet été de 1,8 % en moyenne durant cette période (soit de 7,3 % sur 5 ans), tandis que les dépenses du gouvernement du Québec ont augmenté de 2,9 % par an (12 %). La croissance des dépenses en santé a pour sa part été de 14,1 % sur 5 ans, soit de 3,4 % en moyenne.

« On n'est quand même pas dans un domaine hautement inflationniste. En santé, la technologie évolue, la population vieillit : on n'observe pas ça au municipal. »

La croissance rapide des dépenses alors que le Québec est aux prises avec un vieillissement de sa population pose, au contraire, un problème supplémentaire, selon Robert Gagné. « La plupart des retraités ont des revenus fixes, mais sont confrontés à des dépenses municipales qui augmentent rapidement, donc à des hausses de leur compte de taxes. Ça commence à être un puissant problème », dit-il.

Croissance anormale, selon Moreau

« Non, ce n'est pas normal », admet le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau. Celui-ci dit qu'il a fait le même constat sur la croissance des dépenses que le Centre sur la productivité et la prospérité. « Oui, globalement, il est clair que la croissance des dépenses du gouvernement a été bien inférieure à celle des municipalités au cours des dernières années. »

« Nous sommes dans un mandat où nous sommes plus que sérieusement engagés dans un exercice de contrôle de la croissance des dépenses du gouvernement et, malheureusement, cet exercice n'est pas comparable au niveau municipal », poursuit le ministre.

Pierre Moreau tient à souligner que certaines administrations municipales ont fait des efforts pour limiter la croissance de leurs dépenses, citant en exemple la métropole. « Montréal a fait un exercice qui m'apparaît évident », dit-il.

Le ministre invite toutefois l'ensemble des villes à imiter le gouvernement, qui a entrepris la révision de chacun de ses programmes. 

« On est bien conscients, quand on donne de l'oxygène dans la colonne des dépenses des municipalités, que c'est tout aussi valable que si on augmente les transferts et on travaille sur la colonne des revenus. »

Aux municipalités qui expliquent la forte croissance de leurs dépenses par la multiplication des exigences imposées par le gouvernement, le ministre reconnaît que celles-ci ont pu contribuer. Pierre Moreau précise qu'il a entrepris une révision de toutes ces exigences dans le cadre des présentes négociations pour le prochain pacte fiscal, attendu en août, qui établira combien Québec versera aux municipalités. « Faites-nous l'inventaire de ça et on va regarder dans quelle mesure les exigences gouvernementales constituent un fardeau que l'on peut réduire. »

Rémunération

Mais au-delà des exigences gouvernementales, le palmarès 2015 permet de constater que la rémunération des employés représente la principale cause de la croissance des dépenses. Près de la moitié de l'augmentation des dépenses est en effet attribuable à ce que les villes doivent verser à leurs employés, salaires et avantages sociaux compris. Pourtant, la rémunération ne représente que 37 % des dépenses municipales.

Le poids de la rémunération dans la croissance des dépenses se fait particulièrement sentir dans les grandes villes de la province, où elle contribue pour un peu plus de 60 % de l'augmentation. À Montréal, la rémunération est responsable de tout près de 80 % de la croissance des dépenses.