L'austérité budgétaire a causé de la frustration chez les espions canadiens, qui se sont plaints de «l'inconsistance» dans la rémunération des heures supplémentaires passées à traquer les terroristes ou les agents étrangers ces dernières années.

En vertu de la Loi sur l'accès à l'information, La Presse a obtenu une note à ce sujet, datée de septembre 2012. La missive avait été envoyée à tous les gestionnaires du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) par l'ancien directeur de l'organisme, Richard B. Fadden, sous le titre Élimination du Black book.

Le terme «Black book» référait aux carnets dans lesquels les cadres comptabilisaient les heures supplémentaires travaillées par leurs agents secrets.

Plutôt que de les déclarer officiellement au service des ressources humaines, qui aurait alors dû les payer à «temps et demi» ou à «temps double», selon le contexte, ils prenaient un arrangement informel avec l'employé, qui rentrait au travail un peu plus tard ou partait un peu plus tôt au cours des jours suivants.

Les heures pouvaient ainsi être payées au taux simple de un pour un. Une économie considérable.

Nouvel environnement fiscal

Dans sa note, le directeur reconnaissait que «travailler dans un nouvel environnement fiscal de réduction des coûts, tout en remplissant efficacement notre mandat, peut créer des défis quotidiens» comme ceux-là.

M. Fadden ajoutait toutefois que des commentaires négatifs avaient été reçus lors de tables rondes et sondages internes. Des employés «continuent d'être préoccupés par l'application inconsistante de la politique sur les heures supplémentaires à travers le service», observait-il.

Le grand patron a donc exigé que toutes les heures supplémentaires travaillées soient maintenant compensées, en congés ou en argent, en suivant les procédures officielles. «Je m'attends aussi à ce que tous les gestionnaires avisent clairement leur personnel que le "black booking" n'est plus une pratique acceptée au sein du Service», disait-il, en espérant que les sondages futurs reflètent une amélioration de la satisfaction des employés.

Le SCRS dit ne pas détenir d'autres documents pouvant être divulgués à ce sujet. De son côté, Dave Charland, un agent qui a quitté le SCRS en juillet dernier, affirme que le paiement des heures est demeuré un enjeu délicat même après l'envoi de cette note.

«Je sais que le temps supplémentaire, ça ne peut pas être un buffet à volonté. Mais ça choquait le monde et ce n'était pas anecdotique. Quand on en demandait, c'était systématiquement refusé. Le seul moment où ils acceptaient de payer, c'était quand ils nous appelaient pour nous forcer à rentrer au travail. Mais quand, dans le cadre de nos enquêtes, on se retrouvait à rencontrer des sources plusieurs soirs par semaine, ils nous disaient de nous arranger comme on pouvait», dit-il.

- Avec la collaboration de William Leclerc

Salaire des agents secrets

• Agent de renseignement: 50 000 à 80 000$ par an.

• Agent de filature: 58 000$ à 71 000$ par an.

• Agent technique (spécialiste en technologies): 66 000$ à 91 000$ par an.

Réductions budgétaires

L'année 2012-2013 a été une année charnière au SCRS, avec une diminution du budget, qui est passé d'environ 540 millions à 521 millions. Le budget a encore été réduit jusqu'à 513 millions pour 2013-2014.