Les agents qui surveillent les Canadiens sont les moins surveillés du monde entier et il y aurait lieu d'en débattre publiquement avant de leur donner plus de pouvoirs.

Voilà l'avertissement qu'a lancé hier l'Américain Edward Snowden lors d'une téléconférence organisée par l'organisation Journalistes canadiens pour la liberté d'expression (CJFE).

L'ancien consultant de la National Security Agency (NSA) a pris part à une séance de questions et réponses à partir de son lieu d'exil, en Russie. Il a répondu à des questions du public qui assistait à l'événement à Toronto ainsi que d'internautes.

Revoir C-51

M. Snowden s'est montré sceptique à l'égard du projet de loi C-51 du gouvernement Harper qui, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, donnerait plus de pouvoir aux différentes agences de surveillance canadiennes, dont le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) sans en augmenter la supervision civile.

«Les services secrets canadiens ont l'un des mécanismes de supervision les plus faibles de toutes les agences de surveillance du monde. Quand ils essaient d'étendre leurs pouvoirs, il est assez incroyable que le gouvernement du Canada essaie de bloquer les témoignages d'anciens premiers ministres canadiens qui ont eu accès à l'information classifiée, qui comprennent la valeur de ces programmes [de surveillance] et qui disent au public: nous devons vraiment en parler et débattre de ces questions», a dit M. Snowden.

Les anciens premiers ministres Jean Chrétien, John Turner, Paul Martin et Joe Clark ont tous signé le mois dernier une lettre critique à l'endroit du projet de loi conservateur actuellement étudié. Or, selon des informations publiées cette semaine par CBC/Radio-Canada, les quatre anciens chefs du gouvernement fédéral ne figurent pas pour le moment sur la liste des experts qui seront appelés à témoigner sur C-51 à partir de mardi prochain.

Selon M. Snowden, le gouvernement conservateur semble ainsi vouloir écarter les experts les mieux placés pour parler du projet de loi. «Les législateurs, les analystes et ceux qui essaient de débattre de la question en ce moment n'ont pas accès aux faits. Ils peuvent seulement citer des articles de journaux», a-t-il dit lors de la téléconférence.

Edward Snowden est en exil à Moscou depuis 2013. Il s'y est réfugié après avoir transmis aux journalistes Glenn Greenwald, Laura Poitras et Ewen MacAskill des milliers de documents classifiés portant sur les vastes programmes de surveillance mis sur pied par les États-Unis et plusieurs autres pays, dont le Canada.

Des archives Snowden

Hier, l'organisation CJFE, qui défend la liberté de presse et d'expression au Canada et à travers le monde, a lancé un site d'archives réunissant quelque 400 documents rendus publics par M. Snowden et ayant fait l'objet d'articles journalistiques. «En les regroupant dans un seul endroit, on permet au public de mieux comprendre comment les différents programmes [de surveillance] interagissent», a dit à La Presse Laura Tribe, responsable des programmes nationaux et numériques à CJFE.

L'organisation torontoise travaille depuis des mois à la création de ces archives et les enrichira au fur et à mesure que les documents confidentiels seront rendus publics. «Nous ne fournissons pas seulement les documents, mais nous les mettons aussi en contexte», explique Mme Tribe. Il est possible de consulter ces archives à l'adresse suivante: cjfe.org/snowden.

Pas de retour prévu

Au cours de la téléconférence d'hier, Edward Snowden a affirmé qu'aucune entente n'avait été conclue avec les autorités américaines pour assurer son retour dans son pays d'origine. «J'aimerais retourner aux États-Unis et avoir droit à un procès juste, mais malheureusement, cette possibilité ne m'est pas offerte en ce moment», a dit M. Snowden.