Les services canadiens de renseignement surveillent de près la présence grandissante sur Internet de sympathisants anti-musulmans qui peuvent s'avérer violents.

Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a prévenu de ce phénomène le cabinet du ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, lors d'une séance d'information privée, en septembre.

Des notes ministérielles, obtenues grâce à la Loi sur l'accès à l'information, révèlent que le SCRS était bien sûr déjà conscient des menaces posées par des groupes terroristes comme Al-Qaïda, le Hezbollah et le groupe armé État islamique, plus violent et plus radical.

Mais sous la rubrique «Extrémisme intérieur», le SCRS évoque l'envers de la médaille de ces menaces islamistes: l'apparition récente sur internet, au Canada, d'un mouvement anti-musulmans semblable à ceux qui existent déjà en Europe.

Les «Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident» (Pegida) attirent par exemple depuis quelques mois des foules impressionnantes sur les grandes places de villes d'Allemagne et du Royaume-Uni.

Le SCRS estime que ce mouvement représente un risque réel, surtout parce que ses sympathisants ont tendance à préconiser la violence dans leurs actions.

La note au ministre Blaney est datée du 18 septembre 2014, soit un peu moins d'un mois avant les attentats meurtriers de Saint-Jean-sur-Richelieu et d'Ottawa, les 20 et 22 octobre. Deux militaires ont perdu la vie dans ces attentats commis par des jeunes qui, selon les autorités, se réclamaient de l'islam radical.

Peu après ces événements, des gestes de vandalisme contre des mosquées ont été signalés à Ottawa, et à Cold Lake, en Alberta, des menaces ont été proférées contre l'Association des musulmans de la Colombe-Britannique, et on a fait état d'une augmentation générale dans les signalements d'intimidation et d'harcèlement public de musulmans.

Néanmoins, le SCRS est probablement plus intéressé par le sentiment anti-immigrant et anti-Islam qui a pris racine dans certaines régions du nord de l'Europe, même parmi la classe moyenne, a fait valoir Lorne Dawson, enseignant de sociologie à l'Université de Waterloo et codirecteur du Réseau canadien pour la recherche sur le terrorisme, la sécurité et la société (TSAS).

M. Dawson soupçonne que le SCRS ait été surtout ébranlé par le massacre horrible en juillet 2011 de 77 personnes en Norvège par Anders Behring Breivik, qui avait laissé un manifeste détaillant son idéologie d'extrême-droite, incluant une perspective radicale anti-musulmans.

«En Europe, cela a tendance à attirer les individus violents. Alors s'il y a la moindre chance d'une emprise au Canada, on peut comprendre pourquoi ils sont inquiets, a-t-il évoqué. Je soupçonne qu'il s'agit simplement de diligence raisonnable pour être préparé le plus rapidement possible à la lumière (des gestes) de Breivik.»

Un responsable norvégien s'est entretenu avec le SCRS peu avant le dévoilement d'un rapport d'enquête ayant déterminé que l'attaque en Norvège aurait pu être contrecarrée par les services du renseignement du pays.

La porte-parole du SCRS Tahera Mufti n'a pas rappelé La Presse Canadienne pour commenter, mardi.