Les services canadiens du renseignement recueillent chaque mois des millions de courriels échangés par des Canadiens et les conservent pendant «des mois», alors que leurs activités concernent officiellement l'étranger, selon des documents confidentiels diffusés mercredi.

Le Centre de la sécurité des télécommunications (CST, équivalent canadien de la NSA aux États-Unis) surveille et retrace toutes les visites sur les sites internet du gouvernement fédéral et de ses agences, y compris celles provenant de l'intérieur du pays, et collecte tous les courriels envoyés aux autorités, indiquent des documents marqués «Top Secret» obtenus par l'ancien consultant du renseignement américain Edward Snowden.

Quelque 400 000 courriels sont ainsi scannés «complètement» chaque jour par le CST qui déplore de devoir par la suite traiter «trop de données» ainsi obtenues, selon ce rapport qui date de 2010, diffusé par le site américain The Intercept et la chaîne publique CBC.

«Le volume intercepté est sans doute bien plus important aujourd'hui en raison de la hausse du trafic» sur internet, relève CBC.

Des «cyber menaces» potentielles ne sont identifiées que dans 1% des courriels analysés par les services canadiens, dont le mandat interdit officiellement l'espionnage de Canadiens sans mandat judiciaire.

De fait, le CST recueille chaque jour, grâce à son logiciel espion «PonyExpress», quelque 10 téraoctets de données, soit l'équivalent de 26 millions de livres ou, par exemple, les trois quarts de la bibliothèque du Congrès américain.

Ceci est réalisé grâce au «trafic réseau sur écoute», est-il indiqué dans le document, laissant suggérer que le CST siphonne les opérateurs téléphoniques canadiens, comme la NSA aux États-Unis.

Ces informations sont conservées «des mois», tandis que la centaine de gigaoctets de métadonnées obtenues quotidiennement sont elles gardées «des années».

«La cybersécurité n'oblige clairement pas à garder les informations privées des gens pour des mois et des années», s'est offusqué un porte-parole de l'association Open Media, David Christopher, appelant à un «contrôle indépendant et démocratique du CST».

Créé pendant la Seconde Guerre mondiale, le CST est la seule agence du renseignement canadienne à ne pas être encadrée par une loi. Avec un budget annuel de 850 millions de dollars, elle emploie plus de 2000 personnes, dans son siège d'Ottawa, mais aussi dans des dizaines d'ambassades canadiennes où des centres d'interceptions électroniques ont été établis en coordination avec les agences partenaires des Five Eyes, soit la NSA, le GCHQ britannique, l'ASD australien et le GCSB néo-zélandais.