Donna Taylor, Annie Yassie, Alice Black, Rhonda Pederson, Chasidy Whitford, Betty Catchway, Dolores Whiteman, Celine Whitehawk, Betty Williams, Kimber Lucas. Leurs noms avaient été inscrits sur des étoiles plantées dans la neige du square Philips, à Montréal, avec ceux des quelque 1171 autres femmes autochtones disparues ou assassinées. C'est pour elles que des centaines de personnes ont marché dans plusieurs villes canadiennes, hier.

Comme chaque année depuis 1991 après la mort d'une femme à Vancouver, plusieurs personnes ont bravé le froid pour dénoncer la violence dont sont victimes les femmes autochtones et pour exiger une enquête pancanadienne afin de faire la lumière sur les circonstances de leur mort.

Au Québec, les marcheurs s'étaient donné rendez-vous au square Cabot, au centre-ville de Montréal, lieu de rassemblement de nombreux sans-abri, dont beaucoup d'autochtones. Mais cet hiver, en raison d'importants travaux de rénovation, le parc a été clôturé, chassant du même coup les sans-abri.

D'autres rassemblements ont eu lieu à Vancouver, Calgary, Toronto, Edmonton, Winnipeg, notamment.

«Le jour de la Saint-Valentin est une journée où on pense à ses proches, a expliqué Timothy Armstrong, père de deux jeunes filles rencontré à Montréal. Mais beaucoup pensent aujourd'hui à un être cher qu'ils ont malheureusement perdu... C'est par solidarité avec eux qu'on est ici le 14 février.»

Vers 15h45, le groupe a entamé sa marche dans la rue Saint-Catherine au rythme des tambours à main et des chants amérindiens.

Monica van Schaik, de l'organisme Justice for Missing and Murdered Indigenous Women qui a organisé ce 6erassemblement montréalais, était heureuse de constater que l'événement avait gagné en importance cette année. Outre les quelques centaines de manifestants présents, de nombreux médias, dont des médias alternatifs, étaient sur place.

«Les gens commencent à réaliser que c'est un problème important dont il faut parler, car le nombre de disparues ne cesse d'augmenter, a affirmé Mme van Schaik. Il y a aussi eu le mouvement Idle No More, qui a attiré l'attention des médias sur les problèmes des Premières Nations, puis la publication du rapport de la GRC, qui a suscité une certaine prise de conscience.»

Ce rapport de la Gendarmerie royale du Canada publié au printemps dernier faisait état de 1181 femmes disparues ou assassinées depuis 1980. «Mais selon diverses données colligées, on peut penser qu'elles sont de 1200 à 3000 au Canada», a souligné Alana Boileau, de l'organisme Femmes autochtones du Québec.

Même si un grand nombre des femmes disparues proviennent de Colombie-Britannique et de l'Alberta, Mme Boileau rappelle que le phénomène n'épargne pas la province.

«On compte au moins 46 femmes autochtones disparues ou assassinées au Québec, a-t-elle précisé. Et les femmes qui subissent des violences au quotidien, celles qui survivent, sont encore plus nombreuses. C'est pour cette raison qu'il faut une enquête nationale.»

Un participant, John Cree, a exhorté le gouvernement fédéral à agir rapidement. «S'il croit qu'en ne faisant rien, le problème va disparaître, il se trompe. Nous continuerons de nous faire entendre jusqu'à ce qu'il y ait enquête», a-t-il insisté.

Les participants ont terminé la marche au square Philips, où des centaines d'étoiles sur lesquelles était inscrit le nom d'une femme autochtone disparue ou tuée recouvraient le sol.

«Ces noms nous rappellent que ces femmes ne sont pas qu'un chiffre ou une statistique, elles sont aussi des femmes, des mères, des amies, elles ont une famille», a déclaré Martine Hardy de la Coalition montréalaise de la Marche mondiale des femmes à la foule.

«Et pour elles, nous continuerons de marcher, de chanter, de broder et de perler», a poursuivi Mme Boileau la voix étranglée par l'émotion tandis que des larmes roulaient sur ses joues.