La commission des droits de la personne de l'Organisation des États américains (OÉA) ajoute sa voix à celles qui souhaitent la tenue d'une enquête nationale sur les femmes et filles autochtones assassinées ou disparues au Canada - particulièrement en Colombie-Britannique.

La Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a tenu des audiences sur le sujet en 2012, et elle a dépêché au Canada une équipe d'observateurs en 2013. Cette délégation a rencontré à Ottawa et en Colombie-Britannique des responsables des gouvernements et des Premières Nations, mais aussi des organisations de femmes autochtones.

Dans son rapport, la CIDH rappelle que les femmes et les filles autochtones au Canada disparaissent ou sont tuées à un taux quatre fois plus élevé que leur représentation réelle dans la population. La commission estime qu'il faut en apprendre davantage sur ce drame social, et appelle de ses voeux la tenue d'une enquête nationale, ou la mise en place d'une initiative nationale pour s'attaquer au problème.

«Toute initiative, politique ou programme destiné à s'attaquer au problème doit être conçu en collaboration étroite et constante avec les peuples autochtones, particulièrement avec les femmes», lit-on dans le rapport de la CIDH.

Le gouvernement de Stephen Harper a toujours refusé jusqu'ici de mettre sur pied une telle enquête nationale, estimant que ces crimes sont du ressort de la police. En entrevue de fin d'année à la CBC, le premier ministre avait déclaré que «bien honnêtement, ce sujet ne se retrouve pas très haut dans la liste des priorités» de son gouvernement, mais que «les ministres poursuivront le dialogue avec ceux qui sont directement touchés».

Des militants canadiens qui réclament depuis quelques années une enquête nationale sur ces meurtres et disparitions se sont réjouis, lundi, de l'appui moral accordé par la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Claudette Dumont-Smith, directrice générale de l'Association des femmes autochtones du Canada, a soutenu lundi que le gouvernement fédéral devrait tenir compte de l'avis de la CIDH.

«Ces initiatives exigent le leadership du gouvernement canadien, afin de coordonner les efforts à l'échelle du pays», a-t-elle estimé en conférence de presse à Ottawa. «Et c'est ce que le gouvernement n'a pas fait - jusqu'ici.»

Cet avis est partagé par la section canadienne de l'Alliance féministe pour l'action internationale. «Les gouvernements au Canada ont beaucoup de travail à faire pour aborder la question des violations des droits des femmes autochtones - les inégalités historiques et actuelles de même que la discrimination, qui sont à la source même de cette violence et de la disparition de femmes autochtones», a estimé la présidente de l'organisme, Holly Johnson.

«La (CIDH) joint sa voix à celles - de plus en plus nombreuses, au Canada et à l'étranger - qui demandent une enquête nationale afin de comprendre comment ces facteurs rendent les femmes plus vulnérables à la violence, et comment on peut les aborder.»

Dans son rapport de 125 pages, la CIDH reconnaît par ailleurs le travail accompli jusqu'ici par les gouvernements fédéral et provinciaux pour s'attaquer à certains problèmes et défis particuliers qui touchent directement les femmes et les filles autochtones au Canada - et particulièrement en Colombie-Britannique. Mais la CIDH soutient aussi que le problème touche un ensemble de phénomènes sociaux, et que les efforts doivent donc être concertés.

«Les disparitions et les meurtres de femmes autochtones au Canada font partie d'un plus vaste schéma de violence et de discrimination à l'égard de ces femmes», résume la commission. «Le gouvernement du Canada et des organisations de la société civile reconnaissent déjà que les femmes autochtones vivent des inégalités institutionnelles et structurelles résultant de discriminations et d'inégalités enracinées dans l'histoire.»