Près de deux ans avant la fusillade du 22 octobre au parlement, le premier ministre Stephen Harper avait chargé son ministre de la Sécurité publique de soumettre au cabinet des options pour renforcer la sécurité sur la colline du Parlement.

Mais cette requête, qui avait pour objectif de créer «une force policière unifiée», s'est heurtée à une guerre de champs de compétence entre les divers corps responsables de la sécurité sur la colline parlementaire et à une volonté du cabinet de limiter la hausse des coûts liés à une telle réorganisation, a appris La Presse de plusieurs sources.

Les événements tragiques du mois dernier ont toutefois ramené à l'avant-scène de l'actualité la question de la sécurité sur la colline du Parlement. En effet, le tireur fou qui a fait irruption dans l'enceinte du parlement, Michael Zehaf Bibeau, a pu se rendre somme toute facilement à quelques mètres d'une salle de réunion où se trouvait le premier ministre avant d'être abattu de plusieurs balles par le sergent d'armes Kevin Vickers, près de la bibliothèque du Parlement. Avant de faire irruption au parlement, Zehaf Bibeau avait tué le caporal Nathan Cirillo devant le Monument commémoratif de guerre du Canada.

À l'heure actuelle, quatre organisations veillent à la sécurité sur la colline et ses abords: les gardes de sécurité de la Chambre des communes et les gardes de sécurité du Sénat assurent la sécurité dans l'enceinte du parlement, la GRC veille au grain à l'extérieur sur la colline, tandis que la police d'Ottawa est chargée de patrouiller dans les rues qui ceinturent la colline.

Un mémoire jamais soumis

Selon nos informations, M. Harper a confié le mandat de renforcer la sécurité sur la colline parlementaire en janvier 2013 au ministre de la Sécurité publique de l'époque, Vic Toews, dans la foulée du dépôt d'un rapport du vérificateur général Michael Ferguson, qui déplorait le manque de cohésion des divers corps responsables de la sécurité.

La GRC a préparé un mémoire dans lequel elle présentait diverses options pour renforcer la sécurité sur le territoire de la colline qui est de son ressort. Mais Vic Toews n'a jamais soumis ce mémoire au cabinet. Il a plutôt demandé aux fonctionnaires de son ministère et à la GRC de revoir leur copie et de lui soumettre une nouvelle proposition. M. Toews a démissionné de son poste en juillet 2013.

M. Harper a confié le même mandat au nouveau ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, au début de 2014. Le premier ministre s'attendait à ce que M. Blaney présente au cabinet, «avant le printemps 2014, une proposition énonçant des options claires pour répondre aux impératifs de sécurité dans la cité parlementaire, notamment sur la façon de répondre à la recommandation du vérificateur général quant à la création d'une force policière unifiée pour la cité et l'harmonisation des services de protection du premier ministre par un seul service».

Mais les mandarins du Ministère ont fait savoir à M. Blaney qu'il ne pourrait respecter ce délai. «La complexité de cette question [tant du point de vue constitutionnel que légal] et les questions relatives aux sphères de compétences ont fait ressortir divers éléments nécessitant la tenue d'autres recherches, analyses et discussions», a écrit le sous-ministre de la Sécurité publique, François Guimont, à M. Blaney.

M. Guimont recommandait à M. Blaney d'informer le premier ministre de l'impasse. Il recommandait aussi au ministre d'obtenir le mandat du cabinet de négocier la création d'une force unifiée.

«Nous estimons qu'en accordant un mandat de négociation, le cabinet confirmerait la priorité et l'engagement du gouvernement lorsqu'il s'agit de trouver une solution novatrice pour offrir des services intégrés de sécurité dans la cité parlementaire», a écrit M. Guimont dans une note au ministre obtenue par La Presse et datée du 30 mai 2014.

Réactions du ministre Blany

Le bureau du ministre de la Sécurité publique Steven Blaney a réitéré que l'objectif du gouvernement demeure la création d'une force unifiée. Mais il convient que la route demeure parsemée d'embûches. «Selon la Constitution, la responsabilité de la sécurité des bâtiments du Parlement du Canada relève des présidents de la Chambre des communes et du Sénat. Les ministres de la Sécurité publique successifs ont engagé et continuent d'engager activement les autorités parlementaires afin de soumettre des avis afin d'améliorer la sécurité à l'intérieur du parlement, tout en maintenant un accès sécuritaire au public, malgré l'attentat terroriste. Clairement, la division que nous avons actuellement n'est pas adéquate. La sécurité de l'intérieur du parlement doit être intégrée avec celle de l'extérieur du parlement», a affirmé Jean-Christophe de Le Rue, porte-parole de M. Blaney. Il a précisé que le gouvernement Harper a renforcé la sécurité à l'extérieur du parlement, qui relève de la GRC. «Depuis 2009, notre gouvernement a investi plus de 16,3 millions de dollars qui ont permis à la GRC de doubler sa présence et de contrôler complètement l'accès des véhicules sur la colline parlementaire», a-t-il dit.