Le cadeau d'Ottawa aux familles en est également un pour Québec. Le gouvernement Couillard empochera plus de 60 millions dès l'an prochain parce qu'il récupérera l'impôt sur la Prestation universelle pour la garde d'enfants (PUGE) majorée par Ottawa. Une ponction jugée embarrassante au sein du caucus libéral, surtout au moment où le gouvernement veut faire payer davantage les parents pour les garderies.

Des élus auraient soulevé cet argument dans le débat sur le tarif des services de garde qui a eu lieu lors d'une réunion spéciale du caucus, hier. Les discussions furent «animées», de l'aveu même de la ministre de la Famille, Francine Charbonneau.

Conçue par un ancien candidat libéral, une proposition visant à augmenter le tarif des garderies subventionnées à 10$ par jour reçoit un appui parmi les députés et rallie des regroupements de CPE, a appris La Presse.

Créée en 2006, la PUGE représentait jusqu'ici un montant de 100$ par mois versé pour chaque enfant de moins de six ans. Ottawa a toutefois annoncé le 30 octobre que la prestation sera portée à 160$ à compter de l'an prochain, une hausse de 60$. Ce n'est pas tout: 60$ par mois seront désormais versés pour chaque enfant de 6 à 17 ans.

Or la PUGE est imposable. Les parents doivent donc payer de l'impôt à Québec sur la prestation qu'ils reçoivent. Selon Revenu Québec, plus de 435 000 particuliers ont déclaré avoir reçu la PUGE en 2012 - les données les plus récentes disponibles. Ils ont reçu au total 630,6 millions. Parmi eux, 63% ont payé de l'impôt. Le montant de la PUGE imposable a donc atteint près de 394 millions. Comme le taux effectif moyen d'imposition était de 9,7%, Québec a récupéré 38,2 millions.

Pour 2015, la hausse de 60$ de la PUGE pour les moins de six ans permettra à Québec de récolter environ 23 millions supplémentaires.

Comme 980 000 enfants de 6 à 17 ans recevront désormais 60$ par mois, les parents toucheront d'Ottawa près de 706 millions. Or, quelque 63% de cette cagnotte sera imposable à un taux de 9,7%. Québec engrangera donc 43 millions.

Au total, le gouvernement Couillard touchera par conséquent des revenus supplémentaires d'environ 66 millions l'an prochain.

Le ministre des Finances a refusé de confirmer ces données. «Même si ce que vous demandez est une information factuelle, on ne peut vous répondre à la veille de la mise à jour économique et financière. Parce que ce sera probablement dans la mise à jour», a expliqué le porte-parole Jacques Delorme. Cette mise à jour sera présentée le 2 décembre.

200 millions d'économie

La proposition d'un tarif à 10$ a été faite par le directeur général du Carrefour action municipale et famille, Marc-André Plante, qui est proche de libéraux en poste au gouvernement. Il suggère d'augmenter le tarif des garderies subventionnées d'un montant équivalent à l'augmentation de la PUGE (60$ par mois). Le tarif serait alors de 10$ par jour.

Le tarif quotidien actuel dans les CPE et les garderies privées subventionnées est 7,30$.

Au fond, les parents verseraient aux garderies subventionnées le montant supplémentaire qu'ils reçoivent d'Ottawa. Ils paieraient ainsi environ 150 millions de plus pour financer le programme des services de garde.

En augmentant le tarif à 10$, les parents recevraient du fédéral environ 30 millions de plus via le crédit d'impôt pour les frais de garde. M. Plante fait valoir que les parents à faibles revenus ne subiraient, au bout du compte, aucun impact sur leur budget.

Comme le tarif passerait à 10$, Québec devrait ajuster en conséquence son crédit d'impôt destiné aux parents dont les enfants fréquentent les garderies non subventionnées. Il y aurait une économie d'environ 30 millions, estime M. Plante.

Si l'on tient compte de cette économie et de l'augmentation du tarif, Québec pourrait économiser autour de 200 millions, selon Marc-André Plante. Ce serait d'ailleurs la cible que vise le gouvernement Couillard.

Plusieurs appuis

Le Conseil québécois des services de garde éducatifs à l'enfance appuie la mesure. «C'est un modèle qui fait en sorte que tous les parents vont payer le même prix. Et pour le gouvernement, ça lui donne de l'air, de l'argent frais va rentrer dans les poches du gouvernement», a plaidé sa directrice générale, Francine Lessard.

Autre dénouement étonnant: les regroupements des centres de la petite enfance (CPE) de la Montérégie et de Québec ont aussi décidé d'appuyer la proposition, alors que l'Association québécoise des CPE, dont ils sont membres, est en guerre contre le gouvernement au sujet de la hausse de tarif.

«Cette proposition à 10$, ce n'aurait pas été ce qu'on aurait choisi en premier, mais pour nous, compte tenu du contexte, ça reste une sortie de crise qui est acceptable», affirme Claudette Pitre-Robin, directrice générale du regroupement montérégien.

À leur arrivée à la réunion spéciale du caucus, des députés libéraux ont démontré que le dossier les divise.

«J'aurais aimé vous dire qu'on a statué et qu'on est arrivés à une décision, mais on n'en est pas là», a affirmé Francine Charbonneau. Elle a en outre indiqué que, «probablement, le tarif unique est fini».