Nouveau coup dur pour le milieu de la recherche internationale: l'Institut Nord-Sud a annoncé hier la fin imminente de ses activités. Après l'organisme Droits et démocratie, en 2012, et le Centre Pearson pour le maintien de la paix, il y a un an, c'est maintenant un pilier de l'analyse du développement international qui disparaît.

L'institution basée à Ottawa publiait chaque année son Rapport canadien sur le développement international, vaste analyse de politiques touchant la bonne gouvernance, la gestion des ressources naturelles, le commerce équitable. Fondée en 1976, elle avait la «recherche d'un monde plus juste» pour raison d'être.

L'Institut Nord-Sud a indiqué hier ne pas être parvenu à diversifier et augmenter ses sources de revenus suffisamment pour lui permettre de maintenir ses activités. «Ce n'est pas tant le montant qui était important, le problème était plutôt d'obtenir un financement à long terme», a expliqué à La Presse le président du conseil d'administration, Bruce H. Moore, joint en soirée.

«Notre financement de trois ans du gouvernement fédéral s'est terminé en juin 2013 et les discussions pour le renouveler se poursuivaient depuis ce temps, dit-il, ajoutant que le refus final est tombé la semaine dernière. On leur avait dit que sans eux, on ne pourrait continuer, ils savaient très bien quelle serait la conséquence de leur décision.»

M. Moore préfère ne pas révéler quand exactement l'institut cessera ses activités, puisqu'il veut terminer le travail en cours ou à tout le moins le transférer ailleurs, «mais on parle d'un très court délai», indique-t-il. Huit employés dont six chercheurs perdent ainsi leur emploi.

Perte majeure

L'INS est réputé pour ses recherches de qualité qui ont une influence importante tant au Canada qu'à l'étranger, estime le directeur de l'Observatoire canadien sur les crises et l'action humanitaire de l'UQAM, François Audet.

«Ces centres-là servent à s'assurer qu'on développe au Canada des connaissances des enjeux très complexes de relations internationales afin de permettre à nos dirigeants de prendre des décisions éclairées, explique-t-il. On va bientôt devoir s'appuyer sur l'analyse des autres pays pour prendre des décisions.»

Le professeur déplore qu'Ottawa ne soit pas venu en aide à l'institution, estimant que quelques centaines de milliers de dollars auraient suffi. Cette inaction dénote selon lui le «désintérêt et le manque de soutien du gouvernement actuel envers ces centres qui favorisent le débat public».

En octobre 2013, c'est le Centre Pearson pour le maintien de la paix qui fermait ses portes, un an et demi après avoir perdu son financement fédéral. «En plus, le Centre Pearson était très libéral», souligne François Audet, évoquant aussi les difficultés actuelles du Réseau de recherche sur les opérations de paix affilié à l'Université de Montréal.

Ce ne sont pourtant pas les dossiers brûlants qui manquent, rappelle-t-il. «On perd une expertise sur Gaza, l'Ukraine, la Syrie. Il y aura un exode des cerveaux, ces chercheurs réputés vont aller travailler à l'étranger.»