Les travailleuses du sexe font partie intégrante de la société et leur métier ne devrait pas être encadré par une loi qui les expose à des accusations criminelles, ont fait valoir vendredi des représentants d'organismes communautaires montréalais.

Les groupes sociaux ont décidé de remonter aux barricades à quelques jours du début des audiences au Sénat pour le projet de loi C-36, qui criminalise les clients, les proxénètes et - dans certains cas - les prostituées.

«Le préambule du projet de loi nous victimise et ''remarginalise'' les travailleuses du sexe en (considérant) que la prostitution, c'est toujours de l'exploitation», a tonné Anna-Aude Caouette, porte-parole de Stella, un organisme de défense des droits des travailleuses du sexe.

Qu'on le veuille ou non, les travailleuses du sexe exercent un métier, et certaines le font par choix, ont fait valoir tour à tour les divers intervenants présents à la conférence de presse qui se déroulait dans les locaux de Stella, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.

Et en présentant les clients comme des «pervers» comme il l'a fait lors du dépôt de son projet de loi en juin dernier, le ministre de la Justice, Peter MacKay, contribue à alimenter les préjugés à l'égard de l'ensemble de cette industrie déjà en marge, a souligné Viviane Namaste, professeure à l'Institut Simone-de-Beauvoir de l'Université Concordia.

«Souvent, on utilise une rhétorique qui vise à convaincre, qui essaie moins de comprendre toutes les nuances que comporte le travail du sexe», a-t-elle plaidé, se disant persuadée que la criminalisation de la prostitution va augmenter la violence à laquelle sont confrontées les travailleuses de cette industrie.

Car en plus d'être «idéologique» et «discriminatoire», le projet de loi C-36 met en péril la santé et la sécurité des travailleuses de rue, a-t-on martelé à plusieurs reprises autour de la table.

En se voyant interdire par la loi d'offrir leurs services dans un lieu public près duquel pourraient se trouver des personnes âgées de moins de 18 ans, elles seront contraintes de le faire dans des recoins sombres, ce qui décuple les risques d'agressions, d'enlèvement ou de viol.

«Les travailleuses du sexe devraient pouvoir travailler dans la rue avec d'autres, où elles se sentent en sécurité et où elles peuvent négocier avec les clients et prendre le temps de voir s'ils représentent une menace», a affirmé Robyn Maynard, aussi porte-parole de l'organisme Stella.

«Si les clients craignent une arrestation et un emprisonnement et tentent d'éviter la police, il y aura un déplacement vers des endroits moins éclairés. Parce que les travailleuses de rue vont suivre leurs clients, c'est leur revenu qui en dépend», a-t-elle poursuivi.

En décembre dernier, dans l'arrêt Bedford, la Cour suprême a invalidé plusieurs articles du Code criminel sur la prostitution, notamment sur le proxénétisme, la sollicitation et la tenue de maisons de débauche. Selon le plus haut tribunal au pays, ces dispositions mettaient en danger les travailleuses du sexe.

Le ministre MacKay est d'avis que le projet de loi C-36 passera avec succès le test de la Charte canadienne des droits et libertés. Celle-ci garantit que tous les citoyens canadiens ont «droit à la vie, à la liberté et à la sécurité».

L'organisme Stella ne voit pas les choses du même oeil que le ministre de la Justice.

«Le projet de loi reprend certaines dispositions qu'il y avait dans le passé en changeant quelques mots. (...) Clairement, il va y avoir des fonds publics utilisés pour faire un beau «challenge» légal», a indiqué Anna-Aude Caouette.

Les audiences du Sénat auront lieu du 9 au 11 septembre à Ottawa.