Le déroulement du procès et les conditions de détention de Léon Mugesera constituent «une rupture de contrat» entre le Rwanda et le Canada, tempête Me Guy Bertrand. Le célèbre avocat québécois a défendu Léon Mugesera durant la quasi-totalité de ses procédures judiciaires au Canada. Les deux hommes, que plus de 15 ans de fréquentation ont rapprochés, sont toujours en contact.

Me Bertrand exhorte Ottawa à dénoncer ce qu'il qualifie de «tribunal bidon». Une telle sortie suffirait, selon lui, pour «ramener un peu de décence» dans les procédures. «Le Canada s'est fié de bonne foi au Rwanda, mais le Canada a été trompé», estime-t-il, rappelant au passage que lors des procédures pour contester son renvoi, Léon Mugesera avait affirmé que le Rwanda était «le pays des mille mensonges», une référence au surnom de pays des mille collines.

Le Canada s'en lave les mains

La Presse a voulu savoir si le gouvernement canadien suit les audiences et s'assure que les conditions données par Kigali pour convaincre Ottawa de lui renvoyer son ressortissant en 2012 sont respectées. Pour seule réponse, une porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Béatrice Fénelon, a écrit dans un courriel que «monsieur Mugesera a quitté le Canada conformément aux procédures judiciaires canadiennes qui ont été examinées en détail par les tribunaux canadiens».

«Ce n'est pas sérieux! s'indigne Me Bertrand. Le Canada ne peut pas faire semblant de ne pas savoir que c'est un simulacre de justice. C'est exactement ce qu'on avait prédit: la presse internationale s'est désintéressée du procès, donc le Rwanda fait ce qu'il veut.»

Le simple fait que le juge qui préside le procès de Léon Mugesera puisse continuer à siéger même s'il fait lui-même face à des accusations criminelles (voir autre texte) renverse l'avocat québécois. «C'est effrayant! C'est dénaturer la justice. La justice est fragile comme du cristal. Il faut tout faire pour garder la confiance du public à son égard.»

Le Canada pourrait-il réclamer que Léon Mugesera lui soit rendu afin qu'il ait un procès ici, conformément à ce que prévoit la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre? «Jamais, jamais, jamais le Rwanda ne va accepter de le renvoyer ici. Ce serait une procédure inutile, même si l'on devait gagner la cause, soupire Me Bertrand. Notre seule chance, c'est que la presse internationale décide de se mettre le nez là-dedans et assiste au procès.»

Garanties données par le Rwanda au Canada et qui ont permis le renvoi de Léon Mugesera

> qu'il ne puisse pas être exécuté (le Rwanda a aboli la peine de mort en 2007);

> qu'il ait droit à un procès équitable;

> qu'il ait droit à une aide juridique;

> que sa sécurité soit assurée.