La Russie a interdit jeudi la majorité des importations alimentaires en provenance de l'Occident, en réplique aux sanctions dont elle fait elle-même l'objet en lien avec l'insurrection ukrainienne.

L'ampleur inattendue de cette décision coûtera des milliards de dollars aux agriculteurs nord-américains, européens et australiens, mais risque aussi de vider les étagères des épiceries russes.

Le premier ministre russe Dmitri Medvedev a précisé que l'interdiction couvrait les viandes, le poisson, le lait, les produits laitiers et les fruits et légumes en provenance du Canada, des États-Unis, de l'Union européenne, de l'Australie et de la Norvège.

Les sanctions de la Russie affecteront principalement l'industrie canadienne du porc. Les exportations agricoles du Canada vers la Russie se sont élevées à 563 millions en 2012, et une grande part était constituée de porc congelé.

La décision démontre que si le président russe Vladimir Poutine n'est pas prêt à envoyer des soldats en Ukraine pour apaiser les nationalistes chez lui, il est prêt à infliger des dommages importants à son pays en déclenchant une guerre commerciale avec l'Ouest.

Les États-Unis et l'Union européenne accusent Moscou d'appuyer activement les séparatistes prorusses qui sévissent dans l'est de l'Ukraine, ce que le Kremlin nie formellement.

«Jusqu'au dernier instant, nous avons espéré que nos collègues internationaux comprendraient que les sanctions nous mènent dans une impasse dont personne n'a besoin, a dit M. Medvedev. Mais cela n'a pas été le cas, et la situation nous impose maintenant d'adopter des mesures de rétorsion.»

Ces mesures pourraient toutefois faire tout aussi mal à la Russie qu'à l'Occident. La Russie dépend lourdement des importations alimentaires, surtout en provenance d'Europe et surtout en ce qui concerne Moscou et les autres grandes villes. En 2013, l'UE a exporté 15,8 milliards US en produits agricoles vers la Russie, comparativement à 1,3 milliard US pour les États-Unis.

M. Medvedev affirme que cet interdit donnera aux agriculteurs russes, qui rivalisent difficilement avec les produits occidentaux, la chance d'augmenter leur part de marché, mais certains experts croient qu'ils peineront à combler le vide. Le secteur agricole russe est sous-financé et inefficace.

À Moscou, les produits alimentaires importés représentent entre 60 et 70 % du marché.

M. Medvedev a dit que la Russie espère que ces mesures décourageront l'Occident d'intensifier ses sanctions, comme cela s'est produit à quelques reprises depuis le début de la crise ukrainienne.

«Nous ne souhaitions pas de tels développements, et j'espère sincèrement que nos partenaires feront passer une approche économique pragmatique devant de mauvaises considérations politiques», a-t-il dit. Il a ajouté que l'interdit russe pourrait être annulé d'ici un an, si «nos partenaires adoptent une approche constructive».

M. Medvedev a ensuite prévenu que la Russie pourrait imposer des restrictions aux importations d'avions, de navires, de voitures et d'autres produits industriels si l'Occident ne change pas de stratégie. La Russie pourrait aussi empêcher les transporteurs aériens occidentaux de survoler son territoire pour se rendre en Asie, ce qui allongerait le temps de vol et ferait exploser les coûts.

L'UE se réserve «le droit de prendre des mesures»

L'Union européenne a annoncé jeudi qu'elle se réservait «le droit de prendre des mesures» contre Moscou après la décision «clairement politique» des autorités russes d'interdire pendant un an les importations de la plupart des produits alimentaires d'Europe et des États-Unis.

«Après évaluation complète par la Commission européenne des mesures prises par la Fédération de Russie, nous nous réservons le droit de prendre les mesures appropriées», a déclaré Frédéric Vincent, un porte-parole de la Commission.

Il a dénoncé une décision «clairement politique» de la part des autorités russes et rappelé que les sanctions européennes à l'encontre de la Russie étaient, quant à elles, «directement liées à l'annexion illégale de la Crimée et à la déstabilisation de l'Ukraine». «L'Union européenne reste déterminée à la désescalade de la situation en Ukraine», a-t-il dit.

Le Commissaire à l'Agriculture Dacian Ciolos a convoqué pour ce week-end une réunion de travail avec la direction générale de l'Agriculture et un groupe d'étude sera constitué lundi pour analyser les conséquences économiques des sanctions russes et coordonner les actions de l'UE, a annoncé son porte-parole Roger Waite.

L'embargo décrété par la Russie sera «difficile» pour l'Union européenne, mais le fonds européen de solidarité pourrait aider à adoucir l'impact pour les secteurs concernés, a pour sa part déclaré le commissaire au Commerce Karel De Gucht sur la radio néerlandophone Radio 1. M. De Gucht a cité un montant de «400 millions d'euros».

«Quand on prend des sanctions, comme tout le monde l'a d'ailleurs demandé, il faut toujours s'attendre à une réplique, ce qui est le cas maintenant», a-t-il commenté.

Selon lui, les dirigeants russes ne pourront pas tenir longtemps cet embargo. «La Russie ne peut toujours pas, 20 ans après l'Union soviétique, subvenir à ses besoins», a-t-il commenté.

La Russie a décrété l'«interdiction totale» de la plupart des produits alimentaires en provenance notamment des pays d'Europe et des États-Unis en réponse aux sanctions occidentales à l'encontre de Moscou, a annoncé jeudi le premier ministre russe Dmitri Medvedev.

Cette interdiction, d'une durée d'un an, concerne le boeuf, le porc, la volaille, le poisson, le fromage, le lait, les légumes et les fruits en provenance des États-Unis, de l'Union européenne, de l'Australie, du Canada et de la Norvège. Les premières estimations chiffrent la valeur des exportations européennes touchées à 5,2 milliards d'euros.

Mais certaines mesures sont déjà en vigueur, a-t-on souligné de source européenne. La Russie a en effet décrété fin juillet un embargo sur les importations de fruits et légumes produits en Pologne et a interdit en janvier tout achat de viande de porc européen à cause d'une épizootie de peste porcine africaine. La Russie absorbe un quart des exportations européennes de porcins, principalement des Pays-Bas, d'Allemagne et du Danemark.

«Les Russes cherchent à causer un vent de panique et si l'UE cède à cela, alors il auront gagné», a commenté une source européenne.

En 2013, les exportations de produits agricoles européens vers la Russie représentaient 11,8 milliards d'euros, soit 9,9% du total des exportations de l'UE vers la Russie. Les fruits, les fromages, la viande de porc et les légumes constituent les quatre principaux secteurs agricoles d'exportation de l'UE vers la Russie, représentant un total de 3,7 milliards d'euros en 2013. Suivent les alcools (725 millions d'euros) et les vins (595 millions d'euros), mais ces secteurs ne sont pas concernés par les sanctions russes.

- AFP