La ville de Moncton a été à nouveau paralysée, mardi, mais cette fois pour rendre un dernier hommage aux trois agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui ont été tués la semaine dernière dans l'exercice de leurs fonctions.

Les gendarmes Douglas James Larche, 40 ans, Fabrice Georges Gevaudan, 45 ans, et Dave Joseph Ross, 32 ans, ont été froidement abattus par Justin Bourque, 24 ans, mercredi soir dernier. Un événement qui a plongé la ville de Moncton dans un siège qui aura duré près de 30 heures.

Les funérailles régimentaires, auxquelles ont participé le premier ministre Stephen Harper et le gouverneur général David Johnston, ont été précédées d'un défilé d'honneur de 1,6 kilomètre dans les rues de Moncton. Quelque 2700 policiers provenant des quatre coins du Canada et des États-Unis y ont participé.

Au cours du service funèbre qui a duré trois heures et qui s'est tenu au Colisée de Moncton en présence de 7000 personnes, le frère de l'agent Larche a déclaré que la mort de son frangin l'avait empli d'un profond désespoir.

Daniel Larche, un matelot-chef de la Marine royale canadienne, a évoqué sa peine «insoutenable» et sa rage «parce qu'un homme bon a été emmené loin de nous beaucoup trop tôt». Il a ajouté que jamais, même dans ses pires cauchemars, il n'avait imaginé devoir livrer un éloge funèbre pour son frère.

Adrian Vander Ploeg, beau-frère de l'agent Ross, originaire de Victoriaville, au Québec, a raconté que le policier était en train de préparer le souper mais a tout laissé en plan, abandonnant son barbecue en marche et laissant la porte du garage ouverte, pour être l'un des premiers agents à répondre à l'appel d'urgence, après que des citoyens de Moncton eurent aperçu le tireur, mercredi soir dernier.

«Pour les proches de Dave, ce barbecue qu'il a laissé ouvert dit tout ce qu'il faut savoir sur cet homme et sur son dévouement», a témoigné M. Vander Ploeg.

«Tout récemment, Dave s'est adressé à sa femme Rachael et lui a dit: "Je suis un homme si heureux. J'aime me rendre à mon travail tous les jours, j'ai une femme que j'aime tant, un garçon magnifique et un autre bébé en route... Rachael, nous sommes si chanceux"», a relaté son beau-frère.

L'agent Gevaudan a été décrit par son directeur spirituel Geoffrey McLatchie comme un mari et un beau-père dévoué.

«Fabrice a vécu une vie centrée sur son coeur, une vie de joie et de bonheur, une vie dans laquelle il a connecté avec la communauté dans laquelle il s'était établie», a-t-il dit.

M. McLatchie a ajouté que le défunt était en paix avec lui-même.

Un chapeau Stetson en feutre beige avait été placé sur chacun des cercueils drapés de l'unifolié. Trois portraits des défunts dans leur uniforme trônaient sur l'estrade. Danny, le chien de police qui travaillait avec Ross, avait été autorisé dans l'enceinte de l'aréna.

Le premier ministre Stephen Harper a déclaré qu'une douleur brûlante avait enveloppé le Nouveau-Brunswick depuis les événements tragiques de la semaine dernière.

«Ensemble, nous essayons de trouver des réponses», a dit M. Harper. «Qu'est-ce qui est arrivé ici? Pourquoi? Nous ne le saurons peut-être jamais.»

Le premier ministre a rappelé que la justice suivra son cours. «Une chose est sûre toutefois: trois hommes sont morts dans la fleur de l'âge en accomplissant leur devoir de servir et de protéger leurs voisins, a-t-il mentionné. Nous n'avons pas besoin d'un verdict pour savoir que ce qui s'est passé ici est révoltant.»

Le commissaire adjoint Roger Brown, commandant divisionnaire de la GRC au Nouveau-Brunswick, a salué les agents morts en devoir de même que les gendarmes Eric Dubois et Darlene Goguen, qui ont été blessés dans la fusillade de mercredi soir.

«Avec les yeux de la nation tournés vers nous aujourd'hui, je veux déclarer publiquement à quel point je suis fier de chacun de vous», a-t-il dit aux agents présents dans la foule.

«J'aurais seulement souhaité, a-t-il dit en retenant ses larmes. J'aurais seulement souhaité le dire à Doug, Dave et Fabrice en personne.»

Avant le début du service, la foule s'est levée et a applaudi pendant 45 minutes l'arrivée au Colisée des policiers. Une fois tous assis, l'aréna s'est transformé en une courtepointe de couleurs avec une prédominance de rouge, la couleur de la GRC, mais également des accents de bleu et de vert, portés par d'autres corps de police.

Le commissaire de la GRC Bob Paulson, le chef de l'Opposition Thomas Mulcair, le chef libéral Justin Trudeau et plusieurs premiers ministres provinciaux ont assisté à l'émouvante cérémonie.

La population de Moncton est encore profondément marquée par les événements de la semaine dernière. De nombreux résidents affichent les mots «Moncton Strong» dans les fenêtres de leur maison. Un mémorial improvisé grandit de jour en jour devant le local du détachement de la GRC à Moncton, alors que des fleurs, chandelles, peluches ou messages à la mémoire des trois agents tués s'y accumulent.

Les agents Gevaudan, Larche et Ross ont été abattus mercredi soir. Ils répondaient à un appel d'urgence après qu'un homme armé eut été vu dans un quartier résidentiel de Moncton. Leurs collègues Dubois et Goguen ont été blessés dans l'altercation. Tous les deux sont sortis de l'hôpital.

La fusillade et la chasse à l'homme qui s'en est suivie a laissé la ville de 69 000 âmes en haleine pendant une trentaine d'heures jusqu'à l'arrestation du suspect peu après minuit dans la nuit de jeudi à vendredi.

L'agent Gevaudan, originaire de Boulogne-Billancourt en banlieue de Paris, a été décrit dans sa notice nécrologique comme un ardent défenseur des droits des femmes qui adorait sa femme Angela et sa belle-fille Emma.

La rubrique nécrologique de l'agent Larche de Saint-Jean au Nouveau-Brunswick a rappelé qu'il est décédé alors qu'il travaillait comme enquêteur et qu'il s'exposait sans hésitation au danger pour protéger sa collectivité et sa famille. Il laisse derrière lui sa femme Nadine et ses trois filles Alexa, Laura et Mia.

Quant à l'agent Ross, il a été décrit comme un maître-chien qui est mort alors qu'il exerçait un métier qu'il aimait. Il laisse dans le deuil sa femme, de même que son fils Austin et un second enfant attendu cet automne.

Justin Bourque, âgé de 24 ans, doit répondre à trois accusations de meurtre prémédité et deux accusations de tentative de meurtre relativement à cette fusillade. Il sera de retour en cour le 3 juillet.

Photo Sean Kilpatrick, PC