En novembre, alors que Rob Ford semblait avoir touché le fond, Harry Vandekemp a affiché une pancarte dans la vitrine de son restaurant de fish and chips de la banlieue de Toronto: «J'ai confiance en Rob Ford pour gérer l'argent de mes taxes.»

«J'ai pensé que ce serait bien de l'appuyer alors qu'il disait qu'il changerait, qu'il arrêterait de boire... Il a même dit qu'il avait eu une rencontre avec Dieu!», a raconté le restaurateur à La Presse. «En tant que chrétien, quand quelqu'un dit qu'il souhaite s'améliorer et s'aider, je dis: "Tout le monde à bord! Aidons ce gars-là! "»

Six mois plus tard, celui qui a voté pour Rob Ford aux dernières élections ne sait plus s'il le fera encore aux prochaines, en octobre. «Je vais devoir voir s'il y a du changement», a dit le propriétaire du Golden Crisp, qui se situe non loin de la résidence de Rob Ford à Etobicoke.

Si profond que soit son dilemme, M. Vandekemp est loin d'être le seul à envisager d'appuyer à nouveau le maire Ford, malgré les révélations de cette semaine et l'annonce de son départ vers une retraite fermée aux États-Unis pour soigner sa dépendance à l'alcool.

Troisième rang

Selon un sondage Forum Research rendu public vendredi, le maire a glissé du deuxième au troisième rang dans les sondages depuis la tempête médiatique qui se déchaîne depuis mercredi soir, avec 22 %.

Néanmoins, 32 % des électeurs ont dit qu'ils voteraient pour lui s'il suit un programme de réhabilitation et qu'il «se prend en main».

Dans la Ford Nation, cette série de banlieues torontoises peuplées d'ardents partisans qui ont porté le maire Ford au pouvoir en 2010, plusieurs personnes rencontrées vendredi n'ont pas hésité à exprimer leur appui.

«C'est sa vie privée! a lancé Sydney devant le Walmart de la banlieue de Rexdale. Il a fait de bonnes choses pour nous. J'ai voté pour lui la dernière fois, et je voterai encore pour lui cette fois.»

«Je préfère un politicien qui me fait épargner mon argent plutôt que de les dépenser», a tranché une autre en entrant dans un commerce voisin.

Le fond du baril

Devant le bar Sully Gorman's où Rob Ford a été enregistré lundi dernier en train de tenir des propos outranciers alors qu'il était en état d'ébriété avancé, une femme qui le connaît personnellement a elle aussi indiqué qu'elle voterait pour lui s'il reste dans la course.

«Il devait atteindre le fond du baril et il l'a fait», a dit cette femme d'une quarantaine d'années qui n'a pas voulu se nommer. «Mais ce sera un long rétablissement, a-t-elle ajouté. Ce ne sera pas l'affaire de quelques semaines, de quelques mois... Je pense que ce sera plus long que cela.

«Alors, est-ce qu'il sera prêt pour ces élections-ci ou pour des élections à venir? Il reviendra peut-être dans 5 ans, 10 ans, 3 ans? On verra.»

Gestion des déchets et autres problèmes

Quant à Harry Vandekemp, il ne demande pas grand-chose au maire de la plus grande ville canadienne: «C'est mon travail depuis 30 ans de mettre mes poubelles à la rue. Et depuis 30 ans, nous avons eu tellement de problèmes!», a-t-il dit.

Avec la privatisation de l'enlèvement des ordures menée par Rob Ford, «je dors mieux le mercredi soir, parce que quand je me réveille le jeudi et que je cherche du regard mes déchets, ils sont partis».

Il y a aussi les nombreux clients de son établissement qui racontent comment, en un seul appel au maire, ils ont trouvé une solution à leur problème, que ce soit un trottoir dangereux ou un arbre à couper.

«Je n'avais jamais entendu parler d'un maire qui fait ça, a-t-il confié. Il semble donc y avoir un bon côté chez lui, mais il y a aussi le mauvais côté...

«Je ne sais plus quoi penser. Est-ce que je suis contre lui? Non. Est-ce que je suis pour lui? Je ne sais pas.

«C'est un vrai dilemme.»