Alors que la collecte de fonds orchestrée par Moisson Montréal pour aider les enfants de 0 à 5 ans vivant dans la pauvreté prend fin lundi, la banque alimentaire lance un cri du coeur. Ce matin, seulement 30% de l'objectif de 200 000 dollars avait été atteint.

Pourtant, la pauvreté chez les jeunes enfants est un véritable problème de santé publique qui a des répercussions à long terme. 

«Dans le Grand Montréal, on parle de 20 000 bébés qui vivent en situation de carences. Pas assez de couches, pas de lait de maternité, des situations qui sont très difficiles et qui ont des conséquences sur la santé», explique le directeur général de Moisson Montréal, Dany Michaud. 

L'an dernier, l'organisme s'était fixé un objectif de 80 000 dollars, mais en avait amassé 100 000. Cette année, les organisateurs font le pari de collecter le double. Une cible atteignable, croit M. Michaud, même s'il est de plus en plus difficile de solliciter la générosité des citoyens. 

«Les gens sont sursollicités, on le sait. C'est pour ça qu'on leur demande donner ce qu'ils sont capables de faire. (...) Si on achète un paquet de couches pour chacun des 20 000 enfants, ça pourrait techniquement coûter environ 400 000 dollars. Mais chaque dollar investi chez nous a un effet de levier. Avec nos partenaires et les achats regroupés, ça donne 17$ en valeur de denrées. C'est comme ça qu'on est capable de faire une différence», dit-il. 

Pauvre en tant qu'enfant, malade en vieillissant

Un enfant qui vit dans la pauvreté est plus susceptible de développer des maladies chroniques en vieillissant, rappelle la chercheuse au département de médecine sociale et préventive de l'Université de Montréal, Louise Séguin.

«(Ces enfants-là) ont beaucoup plus de problèmes de santé. Ils ont plus de risques de faire de l'asthme ou de développer du diabète. (...) La pauvreté durant l'enfance a des conséquences à long terme. Cela multiplie par exemple le risque de développer, en vieillissant, des maladies chroniques comme le parkinson, l'alzheimer, ainsi que les maladies cardiovasculaires», dit Mme Séguin. 

Quand on se compare, on se console, dit l'expression populaire ? Pas en ce qui concerne la pauvreté chez les enfants au Canada, martèle la professeure Séguin, qui a étudié les données de l'Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ) avec l'échantillon de ceux nés en 1998. 

«Cette année-là, 25% des nouveau-nés vivaient dans une famille pauvre. Vers l'âge de trois ans et demi, 20% d'entre eux vivaient toujours dans la pauvreté, ce taux passant à 18 % à l'âge de 10 ans. Les enfants qui sont fréquemment touchés par ce phénomène sont issus des familles monoparentales. Et ceux qui ont la plus grande probabilité d'être affectés par la pauvreté au moins une fois entre la naissance et l'âge de 10 ans sont les enfants d'immigrants », analyse-t-elle. Se comparer aux États-Unis nous fait toutefois bien paraître. 

«Chez nos voisins, environ 25% des enfants vivent dans la pauvreté. Au Canada, c'est plutôt 13%», affirme Mme Séguin. Mais ce chiffre est toujours trop élevé, affirme-t-elle, surtout lorsqu'on compare cet état des faits avec la situation vécue dans les pays nordiques, comme en Suède. 

La solution? Des politiques fiscales et une volonté politique, croit Mme Séguin. «Les intervenants en santé publique me disent qu'ils ne peuvent pas réduire la pauvreté, mais seulement colmater les conséquences qui en découlent. Au final, on met un diachylon sur le bobo, mais on ne le guérit pas», dit-elle.