Le nouveau gouvernement libéral songe déjà à se débarrasser du patron de la Sûreté du Québec, trop identifié au Parti québécois. L'un des candidats pressentis pour prendre sa place est l'ancien chef de police de Montréal et ex-député caquiste, Jacques Duchesneau, qui est demeuré prudent à ce sujet hier.

«On ne peut certainement pas exclure la candidature de M. Duchesneau», ont confié à La Presse deux sources proches du nouveau pouvoir libéral.

Le principal intéressé, lui, dit ne pas avoir été sollicité.

«Je suis surpris, flatté, mais je ne cherche pas de job. Je ne cherche rien d'autre que promener ma petite-fille pour le moment», a-t-il répondu lorsque La Presse lui a dit que son nom circule dans les officines du pouvoir.

«Je n'ai pas eu d'appel, je ne peux pas commenter davantage», a-t-il résumé avant de raccrocher.

L'homme des réformes?

Selon nos informations, Jacques Duchesneau partage depuis longtemps dans son entourage ses idées pour une «grande réforme de la police» au Québec. Il martèle souvent que l'état des budgets actuels est intenable.

Un de ses grands projets serait une fusion de tous les corps policiers municipaux avec la SQ pour former une unique police québécoise. Les villes pourraient payer leur part du service de gendarmerie et les enquêtes spécialisées seraient financées par le gouvernement provincial, ce qui soulagerait un peu le budget de la Ville de Montréal, qui assume une très large part des enquêtes criminelles au Québec actuellement.

Des sources qui connaissent bien M. Duchesneau croient qu'il pourrait se laisser tenter par le poste de patron de la SQ si on lui permet d'apporter des changements importants au système.

Au sein de la SQ, certains annoncent toutefois une résistance à tout candidat venant de l'extérieur, surtout s'il est identifié aux «bleus» du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM). Un avis que partage le sénateur Jean-Guy Dagenais, ancien président du syndicat des policiers de la SQ.

«Lorsque j'étais à la SQ au début des années 70, j'ai connu l'arrivée du directeur Maurice Saint-Pierre, qui provenait de la police de Montréal, et cela avait provoqué une onde de choc. J'ai beaucoup de respect pour M. Duchesneau, mais lorsque quelqu'un provient des rangs mêmes de l'organisation, le lien est déjà établi. Il y a une culture à la SQ qu'il faut préserver. Le futur chef de la SQ devra provenir de l'état-major ou devra être un commandant de district de l'organisation», a-t-il déclaré à La Presse.

Âgé de 65 ans, M. Duchesneau s'est illustré, avant son passage comme député de la CAQ, à titre de directeur de l'Unité anticollusion du ministère des Transports, avalée depuis par l'UPAC. Il a été chef de police de Montréal et président de l'Association canadienne de la sûreté du transport aérien. Il a obtenu un doctorat sur le terrorisme aérien.

Un processus à réévaluer

Chose certaine, les libéraux discutent déjà du meilleur moment pour se débarrasser de Mario Laprise, l'actuel directeur général de la SQ nommé dans la foulée de l'élection du PQ en 2012. «Si j'étais à sa place, je me chercherais une job», a confié une source dans le giron du PLQ.

M. Laprise est perçu comme beaucoup trop proche des péquistes. II parle même ouvertement de ses allégeances politiques, ce qui crée parfois un malaise chez ses interlocuteurs.

Mario Laprise a facilité la collaboration de la SQ avec la commission Charbonneau. À tort ou à raison, certains politiciens le soupçonnent d'avoir volontairement fait mal paraître le Parti libéral du Québec (PLQ). Après sa nomination, il avait fait déclencher une enquête sur son prédécesseur, Richard Deschesnes, et certains membres de sa garde rapprochée. L'enquête a débouché sur des accusations de fraude.

En entrevue à La Presse mardi, Philippe Couillard s'était bien gardé de critiquer M. Laprise, mais il avait ouvert la porte à un changement de garde.

«C'est un poste qui va être réévalué, c'est clair», a-t-il expliqué. Il a annoncé que le futur secrétaire général de son gouvernement rencontrerait M. Laprise à ce sujet. «Je veux m'assurer que toutes les nominations soient optimales», a-t-il déclaré.

M. Couillard voudrait aussi changer le mode de nomination du patron de la SQ pour le rendre moins «partisan». Il propose qu'un comité indépendant évalue les candidats et établisse une très courte liste des meilleurs choix possibles.

Le gouvernement conserverait toutefois le dernier mot.

D'autres candidats potentiels à la direction de la SQ

Martin Prud'homme

Sous-ministre au ministère de la Sécurité publique, cet ancien patron des Crimes contre la personne de la SQ a été nommé sous le règne libéral, mais est demeuré l'adjoint de Stéphane Bergeron après l'arrivée du gouvernement péquiste en septembre 2012. Le fait qu'il ne soit associé à aucun parti pourrait donc jouer en sa faveur. Plusieurs ont été surpris de son passage dans la fonction publique alors qu'il gravissait lentement, mais sûrement les échelons de la Sûreté du Québec et que certains le voyaient déjà comme un futur directeur de la SQ.

Robert Lafrenière

Le commissaire de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) a fait carrière à la SQ, ce qui place inévitablement son nom sur la courte liste des candidats potentiels. En revanche, nos sources nous disent que Robert Lafrenière a vraisemblablement déjà atteint son objectif de carrière en accédant à la tête de l'UPAC et qu'il serait plus enclin à prendre sa retraite à la fin de son mandat de cinq ans, en mars 2016.

Jocelyn Latulippe

L'ancien commandant du district de la Montérégie et actuel directeur général adjoint (DGA) aux Affaires institutionnelles de la SQ nous a été décrit comme un homme discipliné et rigoureux qui pourrait occuper le poste de directeur général «dans quelques années». D'autres ne voient pas pourquoi il ne pourrait pas occuper ce poste immédiatement, en étant secondé par une équipe aguerrie.

Jean-Guy Gagnon

Le nom de l'actuel conseiller spécial aux enquêtes de la Commission de la construction du Québec a retenti plus d'une fois lors des dernières courses à la direction de la police de Montréal, mais, chaque fois, les astres n'étaient pas parfaitement alignés. M. Gagnon a maintes fois collaboré avec l'état-major de la Sûreté du Québec et il est très respecté. En revanche, la nomination éventuelle à la tête de la SQ de ce policier qui a fait carrière au SPVM risquerait de provoquer une trop forte onde de choc dans les rangs des «Verts» et est donc peu probable.

Jean-Pierre Gariépy

L'ancien chef de la police de Laval, qui a pris sa retraite en septembre dernier à l'âge de 62 ans, avait auparavant passé 28 ans à la SQ, ce qui fait dire à certains qu'il pourrait être un candidat potentiel. En revanche, une apparence de trop grande proximité avec l'ancien maire de Laval, Gilles Vaillancourt, aujourd'hui accusé de gangstérisme, pourrait nuire à sa candidature si jamais il était intéressé par l'emploi.

Guy Ouellette

Certains pourraient considérer comme naturelle la candidature de l'ancien spécialiste des motards criminels de la SQ. En revanche, nommer un député libéral à la tête du corps de police irait à l'encontre du message de transparence lancé par Philippe Couillard. Il serait également surprenant que ce rôle intéresse Guy Ouellette, qui devrait démissionner alors qu'il vient d'être élu député de Chomedey pour la quatrième fois.

L'inconnu du champ gauche

Comme c'est souvent le cas lors des courses à la direction, le futur directeur pourrait aussi bien être une personne à laquelle on ne s'attend pas. Hier, des sources nous ont soumis plusieurs autres noms, dont celui d'un autre directeur général adjoint (DGA) de la Sûreté du Québec qui circulerait dans les corridors, François Charpentier, un ancien responsable de la sécurité des parlementaires à Québec.