Le gouvernement Harper a-t-il provoqué une cyberattaque contre l'Agence du revenu du Canada (ARC) et des ministères, à l'automne 2012, en déposant son controversé projet de loi omnibus C-38 de 400 pages visant à mettre en oeuvre le budget fédéral?

Services Canada refuse de répondre à une telle question, invoquant le fait qu'il s'agit d'informations confidentielles qui touchent la sécurité nationale. Mais des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information démontrent que l'ARC et des ministères ont lancé une opération à grande échelle après avoir été prévenus par le Centre de la sécurité des télécommunications du Canada (CST) qu'une cyberattaque était imminente à l'automne 2012.

«Cette attaque contre l'ARC semble s'inscrire dans une série d'attaques qui sont planifiées ou qui seront exécutées contre le gouvernement du Canada au cours des prochaines semaines. La motivation première de cette attaque semble être liée au projet de loi omnibus (C-38)», affirme-t-on dans des documents de l'Agence des services frontaliers.

L'assaut informatique attendu par certains ministères devait prendre la forme d'attaques par déni de service distribué (également connu en anglais par le sigle DDOS). Ce genre d'attaque consiste à inonder de demandes le serveur d'une entreprise ou d'un ministère pour empêcher les usagers légitimes d'y accéder. Ces attaques sont de plus en plus fréquentes. Le groupe Anonymous a été à l'origine de plusieurs d'entre elles au cours des dernières années.

Levée de boucliers

Le fameux projet de loi C-38, qui avait été déposé à la Chambre des communes par le ministre des Finances Jim Flaherty au printemps 2012, avait provoqué une levée de boucliers de la part des partis de l'opposition, des groupes environnementalistes et d'autres groupes en raison de sa portée sans précédent.

Le projet de loi avait pour objectif de modifier 70 lois et règlements existants. Entre autres choses, il consacrait le retrait du Canada du protocole de Kyoto, modifiait les lois environnementales afin d'accélérer l'approbation de projets de développement de ressources naturelles, resserrait les règles d'admission au programme d'assurance-emploi et confirmait la disparition de l'agence Droits et Démocratie.

Les partis de l'opposition ont tenté de bloquer son adoption en présentant des centaines d'amendements. Le projet de loi a finalement été adopté au terme d'un marathon de votes aux Communes de 26 heures, en juin 2012.

Si Services Canada a refusé de répondre aux questions de La Presse à ce sujet, il se trouve que les hauts fonctionnaires de plusieurs ministères ont reçu à cette même période un courriel de la part du CST, qui les invitait à prendre les moyens qui s'imposent pour contrer une éventuelle cyber-attaque devant avoir lieu entre le 2 et le 15 novembre 2012. D'ailleurs, des employés informatiques des ministères visés ont été à pied d'oeuvre jours, soirs et week-ends durant cette période afin de parer à toute éventualité.

Le quotidien Le Droit avait fait état de l'existence de ce courriel envoyé par le CST. Mais la cause de l'attaque appréhendée était alors inconnue. Les documents obtenus par La Presse démontrent qu'il s'agissait d'une menace venant de pirates informatiques qui souhaitaient exprimer leur vive opposition au projet de loi mammouth C-38.

Réaction du NPD

Le député néo-démocrate de Rosemont - La Petite-Patrie, Alexandre Boulerice, a soutenu que le gouvernement Harper s'attire ce genre de réactions en se comportant de manière autoritaire depuis qu'il détient la majorité aux Communes.

«Il faut déplorer les cyberattaques contre le gouvernement fédéral parce que cela engendre des coûts, des problèmes pour les citoyens qui ne peuvent accéder aux services. Je ne connais pas la motivation des auteurs de ces cyberattaques, mais utiliser à répétition des bâillons parlementaires, des projets de loi mammouth pour éviter d'avoir des débats intelligents, ça peut provoquer des réactions. Il y a des gens qui vont manifester dans les rues. Et il y en a qui vont utiliser d'autres moyens pour exprimer leur opposition», a dit M. Boulerice.