Une vaste majorité de Québécois estime que le gouvernement fédéral devrait autoriser la prostitution plutôt que de l'interdire, alors que la Cour suprême a ordonné à Ottawa de revoir ses règles en la matière.

Un sondage CROP - La Presse mené au Québec auprès de 1000 répondants entre le 16 et le 19 janvier révèle que 67 % de la population juge que le gouvernement fédéral devrait « autoriser la prostitution en contrôlant les règles de pratique ». Seulement 19 % appuient son interdiction.

De plus, les Québécois sont partagés à l'égard de la récente déclaration du ministre fédéral de la Justice, Peter MacKay, qui pourrait criminaliser l'achat de services sexuels par des clients plutôt que la sollicitation par des travailleurs et travailleuses du sexe.

En tout, 43 % se sont dits plutôt ou tout à fait en désaccord avec l'orientation que semble vouloir prendre le gouvernement, inspirée des modèles dits nordiques ou suédois. Cette approche consiste à « criminaliser l'achat de services sexuels et toute tierce partie tentant d'en profiter, pour protéger les travailleuses du sexe », tel que précisé par la firme CROP dans son questionnaire.

En revanche, 39 % des répondants se sont dits tout à fait ou plutôt d'accord avec cette approche.

Ces résultats ont surpris Patrice Corriveau, un criminologue de l'Université d'Ottawa, puisque d'ordinaire, le modèle nordique ou suédois a la cote auprès de la population.

« Politiquement, le modèle suédois plaît parce qu'il permet d'identifier les méchants et les victimes. C'est assez facile à comprendre.

« Or, ce n'est pas ce qui se passe dans la réalité : le modèle suédois recrée les conditions de vulnérabilité des travailleurs et des travailleuses du sexe, qui ont été dénoncées par les juges de la Cour suprême », a dit le professeur.

Décriminalisation et encadrement

En décembre, la Cour suprême du Canada a invalidé les infractions du Code criminel relatives à la sollicitation dans le but d'offrir des services sexuels, à la tenue d'une maison de débauche et au proxénétisme. Les juges ont tranché que ces interdictions mettaient la sécurité des travailleurs du sexe en danger.

La Cour a donné un an au gouvernement pour adopter un nouveau modèle. Hier, le gouvernement fédéral, par l'entremise du ministre de la Justice, Peter MacKay, a indiqué qu'il présentera son nouveau projet de loi sur la prostitution avant la date limite de décembre. 

M. MacKay a affirmé qu'Ottawa avait déjà commencé à rédiger le projet de loi, mais que d'autres consultations avec la police et les gouvernements provinciaux étaient nécessaires.

« L'interdiction, la criminalisation de la prostitution, ce n'est pas du tout en phase avec l'opinion publique au Québec », estime le vice-président de CROP, Youri Rivet, à la lumière de ce sondage.

Ainsi, l'opinion publique québécoise pourrait être alignée davantage avec les modèles en vigueur aux Pays-Bas ou en Nouvelle-Zélande, par exemple, où la prostitution est décriminalisée, mais fait l'objet d'un encadrement réglementaire.

« Une bonne partie de la population est en train de dire : "Non, ce n'est pas en criminalisant qu'on va être capable d'atteindre cet objectif de protection des personnes les plus vulnérables. Il faut trouver des modes plus efficaces" », a noté Patrice Corriveau.

« Ça, je dois avouer que je suis vraiment surpris. »

- Avec La Presse Canadienne

Questions du sondage

Le gouvernement devrait : 

a) Autoriser la prostitution en contrôlant les règles de pratique

b) Interdire la prostitution

c) Je ne sais pas

Question 2

Le ministre de la Justice Peter MacKay du Parti conservateur du Canada propose de criminaliser l'achat d'actes sexuels ainsi que toute tierce partie tentant d'en profiter afin de protéger les travailleuses du sexe. Dans quelle mesure êtes-vous en accord ou en désaccord avec cette affirmation ?