Pour les victimes de violences liées à l'honneur, le salut est au bout du fil. Le pas le plus difficile à franchir pour elles, témoignent les intervenants, c'est de dénoncer les sévices dont elles sont victimes. Certaines trouvent le courage de le faire. D'autres, non.

En novembre, des policiers ont sonné à la porte du Bouclier d'Athéna. Avec eux, Dalia*, 30 ans, enceinte de huit mois. Accroché à ses jupes, un enfant de 2 ans. Dalia venait de fuir son mari qui la maltraitait.

Elle n'avait pas d'argent, pas d'amis, pas de famille. Personne pour la soutenir. Elle était seule avec son ventre énorme, son enfant, ses peurs et sa valise sur laquelle son nom avait été griffonné à la hâte avec une craie.

Ce détail a frappé la directrice du Bouclier d'Athéna, Melpa Kamateros. «C'est comme si on était dans un pays en guerre. Imaginez le désespoir de cette femme.»

Le Bouclier, un organisme communautaire, aide les femmes victimes de violence qui viennent des quatre coins du monde. Les intervenantes parlent 18 langues: ourdou, arabe, arménien, créole, espagnol, farsi...

Dalia ne parle pas français et elle ne connaît que quelques mots d'anglais. Lorsque la police ou SOS violence conjugale reçoivent l'appel d'une femme en détresse qui ne parle ni anglais ni français, ils l'emmènent au Bouclier d'Athéna.

Le Bouclier a une maison d'hébergement. Depuis 2004, Maria Kokkoris la dirige. Elle accueille des femmes victimes de violence conjugale, mais aussi familiale, c'est-à-dire une violence exercée non seulement par le mari, mais aussi par le père, la mère, les frères ou les cousins. Les motifs: l'honneur, la réputation, la honte.

«Lorsque les femmes arrivent chez nous, elles ont peur et elles pleurent», raconte Maria Kokkoris.

Une femme victime de violence peut appeler la police, le CLSC, l'hôpital, la DPJ ou SOS violence conjugale. L'aide existe, mais le principal obstacle se trouve dans la tête des femmes. Si elles ne décrochent pas le téléphone pour dénoncer la violence dont elles sont victimes, elles ne recevront aucune aide. Elles doivent faire le premier pas, sauf que ce simple geste exige un immense courage, explique Maria Kokkoris. Et c'est encore plus difficile si elles sont incapables de parler français ou anglais. Comme Dalia.

«Quand une femme ne parle pas la langue, tout est compliqué: prendre l'autobus, ouvrir un compte, explique Maria. Elles sont tellement isolées, elles n'ont personne à qui parler. Souvent, leur famille ne vit pas ici. Les maris ne veulent pas qu'elles apprennent le français. Pour eux, les femmes doivent rester à la maison.»

Maria en a vu, des femmes défiler dans sa maison d'hébergement. «Une jeune, début vingtaine, a fui sa famille parce qu'elle n'en pouvait plus. Elle subissait de la violence physique et psychologique de la part de sa mère et de son frère. Des insultes, des coups. Ils voulaient la renvoyer dans son pays d'origine pour la marier de force. Elle a fui. Aujourd'hui, elle va bien, elle travaille. Son frère et sa mère ignorent où elle vit.»

Dalia aussi est partie. Sa grossesse a exacerbé la violence de son mari. Peu de temps après sa fuite, elle a accouché. Elle vit dans la maison d'hébergement avec son poupon et son enfant de 2 ans.

Elle a trouvé sa planche de salut. Mais il a fallu qu'elle trouve le courage de décrocher le téléphone.