Les compagnies ferroviaires qui transportent des produits dangereux devront désormais informer les municipalités qu'elles traversent du contenu de leurs cargaisons. Mais elles n'auront pas à les aviser à l'avance.

Cette annonce du gouvernement fédéral survient la veille d'une visite de Stephen Harper à Lac-Mégantic, et une semaine avant le dépôt du rapport du vérificateur général portant sur la sécurité ferroviaire.

Depuis la tragédie qui a secoué la municipalité estrienne, les maires de tout le pays réclament de savoir quels sont les produits dangereux qui passent sur leur territoire. Jusqu'à présent, Ottawa leur conseillait simplement de faire une demande d'accès à l'information pour obtenir des réponses.

La ministre des Transports, Lisa Raitt, a annoncé un changement de cap mercredi, en émettant un ordre préventif pour obliger les transporteurs ferroviaires à divulguer la nature et le volume du contenu des wagons aux municipalités qu'ils parcourent.

Les entreprises canadiennes de classe 1 transportant des produits dangereux devront faire rapport tous les trois mois.

Quant aux autres entreprises et aux sociétés étrangères - comme la Montreal Maine and Atlantic (MMA), responsable de l'accident de Lac-Mégantic qui a fait 47 morts -, elles n'auront à fournir l'information que sur une base annuelle. Lorsqu'un changement se produira dans le contenu de leurs cargaisons, les entreprises devront toutefois aviser les municipalités «dès que possible».

Et dans l'éventualité où une ville s'objecterait au passage de certaines matières dangereuses chez elle, elle n'aurait pas de recours pour l'empêcher.

La nouvelle mesure ne pourra contribuer à prévenir en amont d'autres catastrophes, et la ministre Raitt n'a eu d'autre choix que de l'admettre en point de presse. «Cette partie n'est pas à propos de la prévention. Cette partie est à propos de la réponse et de s'assurer que les communautés ont l'information», a-t-elle indiqué.

L'idée est donc de permettre aux municipalités de mieux planifier leurs mesures d'urgence. «C'est à propos de notre capacité de répondre à ce qui se passe. Et ce que ça permet en terme de planification d'urgence, c'est que les premiers répondants sauront à (quel produit dangereux) ils ont affaire», a-t-elle noté.

La Fédération canadienne des municipalités, présente lors de l'annonce, trouve qu'il s'agit d'un bon premier pas pour être en mesure d'intervenir rapidement advenant une catastrophe. Son représentant québécois, Jacques Demers, affirme cependant que l'organisation fera pression pour connaître le contenu des trains avant qu'ils s'aventurent sur le territoire des municipalités. «Ça fait partie de la prochaine étape», a-t-il assuré.

Il aimerait par ailleurs que les tronçons de voies ferrées abîmés soient réparés dans un laps de temps prédéterminé, alors que la restauration peut traîner longtemps en ce moment.

L'initiative de la ministre conservatrice a été accueillie de façon mitigée par les partis de l'opposition.

«Ce niveau de transparence et d'ouverture avec les communautés qui pourraient être affectées est un bon premier pas», a soutenu le chef libéral Justin Trudeau.

Mais Thomas Mulcair croit que la mesure aura très peu d'effets dans la réalité.

«C'est un sparadrap qu'on est en train d'apposer sur une blessure assez profonde», a insisté le chef néo-démocrate.

«Informer les gens trois mois ou douze mois après (au sujet) de ce qui vient de passer ne sert à rien. On ne peut pas faire une préparation adéquate», a-t-il estimé.

Quant au chef bloquiste Daniel Paillé, il espère surtout que Stephen Harper n'arrivera pas les mains vides à Lac-Mégantic jeudi.

«Je veux qu'il arrive avec des mesures concrètes pour l'urgence, pour décontaminer, pour rebâtir et pour soutenir à long terme», a-t-il affirmé. Il aimerait notamment la mise en place d'un fonds de relance pour soutenir l'économie de la région.

M. Harper doit faire son annonce à Lac-Mégantic vers 12h30, accompagné de la mairesse Colette Roy-Laroche et du ministre Christian Paradis.