Peut-on consommer du crack sans y être accro, comme l'affirme le maire de Toronto? La drogue nuit-elle au jugement? Quels sont ses effets sur la santé? Le professeur et expert en toxicomanie Jean-Sébastien Fallu, de l'Université de Montréal, répond à nos questions.

Q Le maire de Toronto a admis avoir fumé du crack, mais il affirme ne pas être «accro». Est-ce possible?

R Oui. Comme pour l'ensemble des substances psychotropes, même les plus addictives, la majorité des gens qui consomment [du crack] le font de façon récréative et ne deviennent pas accros.

Q Dans la foulée des aveux de Rob Ford, plusieurs conseillers municipaux ont demandé qu'il «prenne un temps d'arrêt pour s'occuper de sa santé». Quels sont les effets du crack sur le corps?

R Ça ressemble beaucoup aux effets de la cocaïne, mais en plus puissant. À très court terme, ça provoque des tics, des tensions à la mâchoire et des grincements. Ça peut aussi entraîner des palpitations et faire augmenter la température du corps. Au niveau psychologique, il y a de l'irritabilité, de la méfiance, de la paranoïa et même des hallucinations. Dans les jours qui suivent la consommation, la personne vit de l'anxiété, de l'insomnie, de la tristesse. Évidemment, tout ça est plus marqué lors d'un usage régulier.

Q Est-ce que le maire de la plus grande ville au Canada a pu conserver son jugement malgré sa consommation?

R Le jugement est clairement affecté sous l'effet de la drogue. Il y a un sentiment d'hyperpuissance qui augmente les risques de comportements dangereux. Une personne pourrait par exemple conduire ivre parce qu'elle ne sentirait plus l'ivresse. Mais lorsque l'effet de la drogue disparaît, le jugement redevient normal.

Q Rob Ford a affirmé qu'il a essayé cette drogue «probablement alors qu'il était soûl». Quels dangers y a-t-il de mélanger alcool et crack?

R C'est un mélange typique, qui est risqué. C'est comme mélanger alcool et cocaïne ou alcool et boissons énergétiques. D'abord, le crack camoufle certains effets de l'ivresse. Quelqu'un pourrait être persuadé de ne pas être saoul, alors qu'il l'est. Les risques de dépendance à l'alcool sont donc accrus. Même chose pour les risques de comportements violents et agressifs.

Q Beaucoup de gens ont été surpris qu'un homme aisé de 50 ans choisisse le crack. Quel est le profil type du consommateur de cette drogue?

R Il y a rarement un profil type. C'est toutefois vrai que c'est une drogue plus fréquente chez les jeunes de la rue. L'histoire de Rob Ford peut étonner parce qu'on n'est pas habitué de voir des gens de pouvoir fumer du crack. Mais [le maire] semble avoir tout un passé et un entourage qui fait que sa consommation n'est pas si surprenante.