Les policiers les considèrent comme une menace croissante à leur propre sécurité et celle de la population: ce sont les «citoyens souverains», des idéologues inspirés par la philosophie libertarienne, qui résistent à l'autorité des forces de l'ordre et du gouvernement.

Dans une note préparée pour l'Association canadienne des chefs de police, les corps policiers plaident pour une meilleure formation des agents afin de faciliter leur intervention auprès de ces citoyens récalcitrants.

Le partage d'informations entre la police et les agences gouvernementales devrait également être amélioré, poursuit-on dans ce document, dont La Presse Canadienne a obtenu copie en vertu de la Loi d'accès à l'information.

Les autorités estiment qu'environ 10 000 Canadiens sont adeptes du mouvement «Freeman-on-the-Land», qui n'en est encore qu'à ses premiers balbutiements au pays. Les partisans du mouvement affirment éviter la violence et simplement vouloir vivre leur vie sans être soumis aux contraintes qu'impose le gouvernement aux citoyens.

Or, la police soutient que ces citoyens souverains ont été impliqués dans plusieurs affrontements violents avec les forces de l'ordre ou des représentants du gouvernement aux États-Unis et, dans une moindre mesure, au Canada.

Les libertariens affirment souvent ne pas avoir besoin d'enregistrer leur véhicule, pas plus qu'ils ne jugent important d'avoir un permis de conduire ou une assurance automobile, a indiqué la police. Ils revendiquent également le droit de posséder une arme pour assurer leur propre défense, de produire ou posséder des drogues illégales, et d'exiger de la Banque du Canada qu'elle leur permette de retirer de l'argent même s'ils n'ont pas, évidemment, de compte bancaire dans cette institution.

Les autorités ont également rapporté que certains individus appartenant au mouvement ont occupé illégalement maisons vides et aires ouvertes, en plus d'avoir fabriqué des papiers d'identité «personnalisés». Certains ont aussi intenté des poursuites contre des responsables gouvernementaux.

Le document avait été préparé en vue de la conférence annuelle des chefs de police à Sydney, en Nouvelle-Écosse, en 2012. Le commissaire adjoint de la Gendarmerie royale du Canada, Gilles Michaud, le commissaire adjoint de la Police provinciale de l'Ontario, Scott Tod, de même qu'un avocat travaillant pour la GRC avaient contribué à la rédaction du document.

On y plaide entre autres pour une meilleure communication entre les forces de l'ordre et les agences du gouvernement fédéral telles le Service canadien de renseignements criminels (SCRC), Service correctionnel, l'Agence du revenu, l'Agence des services frontaliers, la Défense nationale et les polices provinciales.

Le document recommande également une formation pour les intervenants de première ligne et les fonctionnaires judiciaires ayant à traiter des dossiers impliquant un citoyen souverain.

Dans une brochure rédigée par les chefs de police et dont La Presse Canadienne a également obtenu copie, les autorités soulignent que le «mouvement repose sur une idéologie libertarienne et décentralisée, souvent motivée par l'appât du gain, la satisfaction personnelle ou la justification d'un comportement illégal».

Le SCRC, qui s'est déjà penché sur le phénomène, notait l'an dernier que les agences chargées de faire respecter la loi au pays avaient observé «une hausse du nombre d'incidents liés à l'idéologie anti-gouvernementale des 'Freeman» au Canada».

D'autres branches de ce mouvement ont été identifiés par la police, dont le «Moorish Divine», le «National Movement» et le «Kinakwii Sovereign Nation».

En Alberta, un homme qui ferait partie du mouvement «Freeman-on-the-Land» a récemment changé les serrures d'une maison qu'il louait, décrétant qu'il s'agissait de son «ambassade» personnelle.

L'an dernier, en Nouvelle-Écosse, un juge de la Cour d'appel a refusé la libération sous caution à un citoyen souverain qui contestait les accusations en lien avec des armes à feu et la profération de menaces contre des policiers. Le juge a estimé que le respect de la population pour la justice serait «sérieusement» mis à mal s'il ordonnait la libération d'un individu qui ne reconnaît tout simplement pas l'autorité des lois canadiennes.