L'Office québécois de la langue française (OQLF) croit pouvoir oublier le goût amer du «pastagate» grâce à son nouveau mode de traitement des plaintes et au bon jugement de ses fonctionnaires.

En mars dernier, dans la foulée de l'éclatement de cette polémique, la ministre responsable de la Charte de la langue française, Diane De Courcy, avait annoncé que les rouages de l'OQLF seraient revus et corrigés afin d'éviter que de telles situations ne se reproduisent.

La ministre a annoncé vendredi à Montréal que les plaintes formulées seraient dorénavant triées en deux catégories: une première pour les doléances «qui relèvent de l'intérêt direct et personnel» et une seconde regroupant un «intérêt collectif et général».

Le formulaire de plainte, disponible sur le site de l'OQLF, permettra d'accélérer le traitement des plaintes, a précisé Mme De Courcy, qui était accompagnée du président et directeur général par intérim de l'organisation, Jacques Beauchemin.

Et les fonctionnaires de l'OQLF seront invités à exercer leur jugement critique dans le traitement de ces plaintes.

«Quand (...) le pouvoir d'exercer son jugement n'est pas nécessairement valorisé dans une organisation, qu'on dit: «La loi, c'est la loi» et qu'en plus on en a une interprétation très étriquée, c'est sûr que ça peut donner certains dérapages. Ces dérapages-là sont derrière nous», a affirmé la ministre De Courcy.

«Est-ce que c'est une assurance à 100 % que des mauvaises décisions ou de mauvais cas soient montés en épingle? À ça, je ne peux offrir une assurance à 100 %, mais je dis que ce que nous mettons de l'avant, j'y crois», a-t-elle ajouté.

La conférence de presse de la ministre s'est tenue à un jet de pierre du restaurant italien de la rue Saint-Laurent à qui des inspecteurs de l'OQLF avaient ordonné de retirer le mot «pasta» de son menu. La controverse entourant le «pastagate» avait mené à la démission de la présidente de l'organisme, Louise Marchand.

Reconnaissant que cet épisode n'était pas le plus glorieux qu'ait connu l'OQLF depuis sa création, en 1961, la ministre péquiste a assuré que certains termes culinaires empruntés à d'autres langues avaient leur place dans les menus des établissements de restauration du Québec.

Pas question, donc, de taper sur les doigts des restaurateurs qui proposent à leurs clients antipastis, steaks et autres calamaris.

«Vous savez, c'était vrai avant aussi. Il y a eu beaucoup d'enflure verbale dans cette question-là», a assuré Mme De Courcy.

«Les Québécois et les Montréalais n'accepteraient jamais qu'on soit dans un autre univers. C'est un enrichissement, un apport», a-t-elle plaidé, enjoignant les médias anglophones à «véhiculer le fait que (...) nous tentons de développer avec les citoyens une relation très respectueuse».

Et aux membres de la communauté anglophone qui pourraient se sentir «lésés» ou «attaqués», Diane De Courcy conseille de s'adresser à la Commissaire à la qualité des services, laquelle se charge depuis juin dernier d'effectuer un suivi des insatisfactions à l'égard de l'OQLF.

Les médias canadiens avaient fait leurs choux gras de l'histoire du «pastagate», mais la controverse avait également fait l'objet de 350 articles dans 14 pays jusqu'en Australie, selon la firme Influence Communication.

Il aurait été souhaitable de ne pas assister à un épisode aussi «ridicule», a fait remarquer la porte-parole de la Coalition avenir Québec (CAQ) en matière de langue, Nathalie Roy, qui a néanmoins applaudi les mesures «simples, directes et précises» détaillées par la ministre De Courcy.

«Ce n'est pas trop tôt. Ce que j'espère fortement, c'est que les inspecteurs de l'Office auront plus de latitude dans l'application des règlements. Ils étaient un peu encarcanés avec un lexique bien particulier», a résumé la députée de Montarville en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

Mais pour le libéral Marc Tanguay, l'annonce de vendredi démontre que le Parti québécois manque de vision globale au chapitre de la préservation et de la promotion de la langue française.

«Est-ce que, par exemple, la ministre a un programme élaboré et étoffé pour faire en sorte que les entreprises puissent mieux servir en français?», a soulevé le porte-parole du Parti libéral du Québec en matière de langue.

«Dire que les inspecteurs vont essayer de pincer les entreprises, mais en tentant de le faire de façon plus ordonnée, ça ne nous fera pas atteindre l'objectif en amont, qui est l'épanouissement du français», a déploré M. Tanguay à l'autre bout du fil.